Comme avant

25 février 2021

En mémoire de mon cousin, Jean-Gabriel Damizet

(1970-2021)

Le ciel est par-dessus le toit. Sur la terrasse, il y a une grande échelle qui mène jusqu’à lui. Pendant que Brigitte s’occupe de Sabine dans la cuisine à Salcigneux, toi et moi, nous projetons une grande expédition : et si on grimpait là haut? Ouai 😀 si on grimpait tout en haut… pour voir le monde? 

Nous avons à peine 4 ans mais déjà de grandes ambitions! C’est décidé : je monte la première, tu m’encourages quelques barreaux plus bas. Arrivée à la lisière du toit, je te crie : «Monte, viens voir, Biel, c’est beau!»

Aujourd’hui, c’est toi qui as grimpé en premier, c’est qui tu as pris les devants dans le grand escalier, mais Brigitte ne pourra pas venir te chercher et te ramener en bas comme autrefois. Et moi, sur la terrasse, je reste seule et je pleure. 

Notre vie dure ce qu’elle dure mais je ne suis plus vraiment sûre de rien si tu t’en vas.

Tu ne voudrais pas me voir triste et d’où tu es, je t’entends me dire : «Nath, c’est beau! Comme dans nos rêves d’enfants, ouai 😀 c’est beau comme avant.» 

Mais moi, tu vois, j’aimerais qu’on ait encore 4 ans pour que tu me serres fort dans tes bras ou que tu me fasses rire aux éclats comme sur ces photos jaunies où on avait l’air si heureux. J’aimerais qu’on ait encore 10 ans pour que tu chantes sans cesse cette rengaine qui me faisait enrager : «Nataloche, dans sa dodoche mange des brioches!» J’aimerais qu’on ait encore 18 ans pour nous retrouver à Lourdes devant la grotte, fervents. J’aimerais qu’on ait encore 20 ans  pour bosser comme deux potaches studieux, toi, sur tes planches d’anatomie et moi, sur mes thèmes latins. Mais j’aimerais surtout qu’aujourd’hui tu dises au grand portier du paradis : «Désolé, c’est pas mon heure, ils m’attendent en bas. Essai manqué, on se reverra plus tard!» 

Reviens, Biel, s’il te plait, reviens juste une minute, une dernière fois : j’ai besoin de voir tes yeux bleus couleur de mer. 

Reviens, Biel, s’il te plait, reviens juste une minute, une dernière fois : j’ai pas eu le temps de te dire à quel point j’étais fière de toi. 

Reviens, Biel, reviens comme dans nos rêves d’enfants. 

Reviens Biel, tu me manques tellement.

Lié à: le lac bénit.

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Un beau coeur

24 janvier 2021

Voici une allégorie inspirante. Je n’en suis pas l’auteure. Je l’ai entendue dans une conférence où intervenait Yannick Alain. Je la retranscris ici.

Il était une fois dans un village un jeune homme qui attirait les regards de tous les passants sur lui, car il s’écriait à pleins poumons: « J’ai le plus beau cœur au monde ! Qui aimerait voir mon cœur ? J’ai le plus beau cœur au monde ! Oyez ! Oyez ! Approchez ! Je m’apprête à vous montrer le plus beau cœur au monde. »

Il criait si fort et avait l’air tellement convaincu de posséder un trésor avec ce coeur qu’il disait incomparable que, peu à peu, les gens, intrigués et voulant voir ce phénomène, s’attroupèrent autour de lui. Bientôt des centaines de villageois l’entouraient et, lorsqu’il y eut assez de personnes, le jeune homme plongea la main dans son manteau et il en sortit son cœur.

Les gens furent très surpris parce qu’effectivement, le jeune homme avait raison : c’était le cœur le plus éclatant, le plus brillant qu’ils aient jamais vu. Sa couleur était exceptionnelle, sa forme sans aspérité, sans aucune égratignure, sans aucune imperfection. Les gens étaient vraiment très impressionnés et tous étaient unanimes. Bref, les éloges pleuvaient : c’était une véritable merveille!

Le jeune homme était très fier et se vantait encore plus de son cœur parfait. Cependant, alors que personne ne s’y attendait, une voix s’éleva dans la foule : « Mon cœur est plus beau que le tien, jeune homme! ».

Les villageois se demandèrent qui avait osé prononcer ces paroles incroyables et cherchaient dans la foule l’impertinent. Ils aperçurent alors un vieillard dont la mine était sans prétention. Tous le regardaient avec cet air de dire : « Comment cet homme peut-il prétendre avoir un plus beau cœur que celui de ce jeune garçon? » Et le jeune de dire : « Si votre cœur est plus beau que le mien, vieil homme, et bien, venez-nous le montrer. »

Alors le vieil homme s’avança d’un pas lent mais assuré jusqu’au centre de la foule et lentement entra la main dans son manteau et en sortit son cœur. À la vue du coeur du vieillard, le jeune éclata de rire : « Sauf votre respect, vieil homme, comment pouvez-vous dire que votre cœur est plus beau que le mien? Certes, il bat puissamment mais il est plein de cicatrices! Il est tout irrégulier, tout rapiécé et ses coins sont déchirés. Il y a même des endroits où il manque des morceaux. Non, sérieusement, vous plaisantez?! Votre coeur est dans un triste état! Vous ne savez pas ce que vous dites. »

Les villageois partageaient l’opinion du jeune homme : non mais vraiment, ce vieillard avait perdu la tête!

Le vieil homme les regarda tous avec beaucoup d’amour et dit : « Oui, tu as raison, mon jeune ami : ton cœur est en effet très beau, mais je ne voudrais pas l’échanger avec le mien. Tu vois sur mon coeur chaque cicatrice, chaque égratignure représentent une personne à qui j’ai donné mon amour : ce sont toutes les fois où j’ai aimé et que j’ai peut-être été déçu, blessé ou que ça n’a pas fonctionné. Chaque morceau rapiécé que tu vois, ce sont toutes les fois où j’ai donné un petit morceau de mon cœur à quelqu’un d’autre et, en échange, il m’a retourné un morceau du sien. Ces accrocs, c’est moi qui les ai faits lorsque j’ai déchiré des morceaux de mon cœur et que je les ai donnés. En retour, certaines personnes m’ont donné un morceau de leur cœur mais ces morceaux ne sont pas exactement les mêmes. Les coins sont déchirés, je suis d’accord avec toi, mais cela me rappelle que nous avons partagé de l’amour les uns pour les autres.

Les trous que tu vois, jeune homme, ce sont toutes les fois où j’ai pris des risques, où j’ai cru en mes rêves, où j’ai cru en moi et que j’ai osé les réaliser et que ça n’a peut-être pas fonctionné. Ce sont aussi toutes les fois où j’ai donné un morceau de mon cœur à quelqu’un d’autre, mais qu’il ne m’a rien donné en retour. Ces échecs ont laissé des trous. Ce sont les trous que tu vois là. Donner son amour comporte des risques. C’est pourquoi ces trous restent ouverts. Cela me rappelle que j’ai de l’amour pour ces gens. Un jour, ils reviendront peut-être pour y mettre leur pièce.

Alors, lorsque je regarde mon cœur, jeune homme, je vois un cœur qui a aimé, je vois un cœur qui a risqué, je vois un cœur qui a donné. Vois-tu maintenant ce qu’est la vraie beauté ? »

Le jeune homme ne savait que dire et des larmes coulaient le long de ses joues. La foule aussi était émue. Alors le jeune homme prit son cœur dans sa main et en déchira un morceau. Il l’offrit au vieillard avec des mains tremblantes. Le vieil homme prit le morceau, le déposa sur son propre cœur. Il en prit un morceau à son tour pour combler la plaie dans le cœur du jeune homme. Ce morceau ne s’ajustait pas parfaitement au trou dans le coeur du jeune homme, mais ce dernier regarda son cœur qui n’était plus parfait, et il le trouva beau, beaucoup plus beau qu’auparavant parce que l’amour du vieil homme circulait dans son propre cœur.

Lié à: le lac bénit.

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Est-ce moi

22 janvier 2021

À J.W.K

« Chase what you know

Cover your weave

Jump in the fall

Follow that sea

Chase what you know (You’ll be the only one)

Cover your weave

Jump in the fall»

Hope, Blood orange

Est-ce moi

mon visage mon regard mes grands yeux verts

mon sourire ma petite voix d’enfant mon accent désopilant

Est-ce moi

mon rire spontané et contagieux mes manies «so peculiar» mes délicates attentions

Est-ce moi

ma peau mes lèvres mes hanches pleines mes seins généreux mon sexe

Est-ce moi

ma fragilité déconcertante mon désir irrésistible mon amour infini

Est-ce moi

dans ton regard quand le sommeil t’emporte

dans tes oreilles quand la nuit étouffe tous les autres bruits

Est-ce moi

dans ta bouche dans tes mains dans tes bras

quand tu rêves

Est-ce moi

ce matin demain encore une fois et une autre

Est-ce moi

et puis seulement une

une dernière fois

plus jamais?

Lié à: le col des contrebandiers.

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Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre !

8 septembre 2020

à J. W. K.

Suis la vague sur le pli de l’eau. Pars, ne te retourne pas. Hier est mort.

Des abysses a jailli le chant de la sirène, limpide et sincère, pur et franc.

Le temps, hélas, s’étiole et file… Laisse ma voix éclairer ce jour, il est si beau

Fuis les mystères qui séduisent et trompent ton coeur esseulé

L’horizon ne borne plus le regard. Vois plus loin

Saute, abandonne-toi. Tu es le lion intrépide et confiant

Sur l’écume du fjord, des poussières d’éternité ont scintillé; une dernière fois, sur l’écume du fjord, l’hymne s’est élevé :

Hallelujah, Hallelujah, l’étoile guide tes pas. Hallelujah, Hallelujah, c’est si beau de s’aimer.

Le titre est en hommage au Cimetière marin de Paul Valéry et de ma chère amie Monique Le Pailleur. Ce poème a été écrit en respectant les contraintes définies par l’Oulipo. Dans ce cas précis, il s’agit de la contrainte du bel absent.

Lié à: le lac bénit.

Minautore

7 septembre 2020

La pire saloperie que puisse vous faire un cauchemar, c’est de vous donner l’illusion de sa propre conscience et de continuer à en être un! 

Daniel Pennac

Il y a des rêves délicieux où tout est pour le mieux mais ces rêves ont une existence éphémère et nous sommes toujours déçus au réveil de constater qu’ils nous ont trompés. Il y a aussi les rêves qui nous assaillent, s’agrippent et nous font vivre de terribles heures d’angoisse : ces rêves-là sont infatigables. Ils vous traquent toutes les nuits et restent fidèles à votre sommeil. De ces rêves, vous êtes heureux de vous défaire au matin, et la réalité vous surprend par son calme et sa douceur. 

Durant toute mon enfance, je fus abonnée à ces songes barbares et impitoyables. Il en existait sûrement quelques-uns reposants et heureux dans l’espace de mes nuits mais ma mémoire les a effacés. Pourtant, ce n’était ni l’orage menaçant avec les roulis du tonnerre et les éclats de la foudre, ni la peur du noir ou du silence de la nuit qui me terrorisaient. Non, ce n’était, je crois, aucun motif enfantin qui nourrissait mon imagination nocturne. Mon esprit ne parvenait pas expliquer cette peur tant elle était complexe.

L’histoire même de cette peur, le scénario qui se reproduisait chaque nuit, je pouvais les dire facilement, mais l’emprise des décors, elle, m’affolait. C’était une figure géométrique, un dessin d’architecte, de bâtisseur fou, l’idée même de l’absolu, de la solitude infinie, de la mort aussi. Pour échapper à cette image qui, chaque nuit, devenait plus présente et plus précise, je me réfugiais au fond de mon lit. Au matin, ma mère apercevait deux pieds roses sur l’oreiller et découvrait ma tête enfouie sous une montagne de peluches destinées à me protéger de mes agressions nocturnes. Chaque matin, elle me demandait comment je pouvais réussir à respirer et s’inquiétait de me retrouver un de ces matins morte étouffée.

Le cauchemar qui m’habitait avait toujours les mêmes allures. Il commençait ainsi : je me trouvais dans ma chambre tranquillement installée à lire. La porte de ma chambre était fermée, rien d’alarmant ne me troublait. Puis je sentais une présence hostile se rapprocher. Pour la fuire, j’ouvrais la porte de ma chambre et, au lieu de l’habituelle salle à manger, se trouvait un immense couloir sur lequel donnaient des centaines de portes toutes semblables. Pour échapper aux créatures que j’avais surnommées les monstres, je choisissais une des portes au hasard , je l’ouvrais, je la refermais soigneusement en veillant à barrer tous les verrous. Et de nouveau, un couloir avec d’autres portes. Je renouvelais l’opération : choisir une porte, ouvrir la porte, la refermer, la verrouiller, et encore un couloir et encore des portes. L’espace perdait toute valeur : tout se ressemblait. Malgré ma fuite, malgré les verrous, malgré le choix aléatoire des portes, la présence hostile qui m’avait surprise dans ma chambre continuait à me suivre. Elle passait les portes, elle se moquait des verrous, du hasard du choix des portes et des couloirs. Elle me poursuivait sans relâche où que j’aille.

Je m’arrêtais parfois, trouvant derrière une porte, un placard où je pouvais m’enfermer, où j’espérais échapper aux monstres. Mais ils me retrouvaient toujours. Il me fallait alors repartir, choisir d’autres portes, inlassablement jusqu’à ce que le jour se lève et que je me réveille.

Je ne suis toujours pas en mesure d’expliquer ce rêve. Je sais seulement aujourd’hui qu’il reproduisait le schéma complexe et subtil du labyrinthe. Celui-ci était infini et personne ne l’habitait, sinon moi et ces monstres, qui d’ailleurs ne devaient être qu’un.

Lié à: le roc d'enfer.

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L’ancestrale

23 août 2020

Ce poème a été composé par mon papa, Robert Couzon, le 21 août 2020, touché par mon émotion au moment de quitter pour toujours cette maison dont la restauration a été toute une aventure. Merci à tous les artisans et amis qui m’ont aidée et soutenue dans cette entreprise audacieuse mais tellement riche d’apprentissages de toutes sortes.

L’ancestrale

Du ciel est tombée une larme
Au toit pointu de ma maison.
Il est rompu, soudain, le charme
Qui l'habitait, chaque saison.
J'avais mis dans son cœur de pierre
Mes joies, mes peines et mes passions.
J'y ai aimé, hors les frontières
Et même plus que de raison.
Quand le vent froid et les tempêtes
Nous jetaient sous sa protection,
Je savais que la maisonnette
Avait vu pires conditions.
Si ses murs avaient la parole
Pour nous livrer tous leurs secrets
Ils en diraient des choses folles
Portées loin par un vent mauvais.
Mais aujourd'hui, moi, je te pleure
Dans un dernier regard lointain
En ne gardant que le bonheur
Que tu m'offrais chaque matin.

Lié à: le Suet.

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À l’aube de ta bouche

27 juillet 2020

À J. W. K.

Heureux les amants séparés
Et qui ne savent pas encor’
Qu’ils vont demain se retrouver
Heureux les amants séparés

Heureux les amants épargnés
Et dont la force de vingt ans
Ne sert à rien qu’à bien s’aimer
Heureux les amants épargnés

Heureux les amants que nous sommes
Et qui demain loin l’un de l’autre
S’aimeront s’aimeront
Par-dessus les hommes

Heureux, Jacques Brel

J’ai marché sur le chemin dans la lande déserte en direction des falaises de craie. Leur blancheur immaculée sous la Lune faisait comme un linceul qui se dressait contre les flots noirs de l’océan. Il y avait le vent agitant les bruyères et sifflant sur l’écume. Il y avait le tumulte de la nature sauvage et indomptée. Il y avait mon coeur battant la chamade. Que trouverais-je au bout du chemin? Quel avenir pour moi, désormais?

Une étoile avait brillé plus fort un court instant dans le ciel. Était-ce le signe de la mort d’un monde ou l’étincelle qui précédait la naissance d’un nouveau?

Je marchais lentement, sans craindre la morsure du vent sur ma peau à peine couverte ni les bruits étranges et inquiétants qui surgissaient de nulle part. Tu m’avais donné rendez-vous.

Sur le chemin sinueux qui menait à la baraque, mes sandales laissaient leurs empreintes quelques instants : des traits en forme de flèches qui n’indiquaient qu’une direction. Avancer, un pas devant l’autre, portée par la patience; encore quelques mètres et j’y serais.

La chaumière était là depuis des centaines d’années, tenant encore debout, malgré tout. Elle avait une allure singulière avec ses murs légèrement inclinés, ses volets bleus dépareillés et son toit de chaume dans lequel les linottes avaient fait leur nid. À l’intérieur, ses murs étaient imprégnés de l’odeur des embruns et la fraîcheur qui y régnait apaisait les esprits les plus échauffés.

Tu m’attendais, assis sur le petit banc de pierre, ta silhouette se découpait sur le mur de grès. Calme et silencieux comme à ton habitude, ton regard suivait ma progression. Chacun de mes pas me rapprochait de ton désir.

Plus qu’un mètre. Je me suis arrêtée. Tu t’es levé. Nous sommes restés un long moment nous fixant intensément, sans dire un mot. Le vent faisait danser l’étoffe de ma robe me donnant l’aspect irréel d’une fée. Tu as dit : «Tu es belle, Pili Pili, et la Lune donne une couleur plutôt jolie à tes cheveux.»

Tu m’as tendue la main et m’a attirée contre toi et puis tu m’as enveloppée de tes bras. Il faisait bon, là… Mon nez dans ton cou, ma tête contre ton épaule forte et rassurante. Mes yeux se sont mouillés. J’étais comme une enfant avec un chagrin si grand… Tes bras m’ont serrée plus fort, ta main caressait doucement mes cheveux. «Laisse-toi aller, Alice. Tout va bien maintenant. C’est fini. Tout va bien aller maintenant.»

Tu m’as portée jusqu’à la chambre. Lentement, tu as fait glisser ma robe. La pâleur de ma peau contrastait avec l’ébène de la tienne. J’ai pris ton visage entre mes mains comme un joyau précieux. «Tu es beau.»

J’ai posé mes lèvres délicatement sur les tiennes et je les ai embrassées. J’ai pris mon souffle à l’aube de ta bouche. Dans nos regards, le reflet étourdissant d’un amour fou.

Et puis… les minutes et les heures ont tourné sur le cadran de la vieille horloge de la cuisine. Seul le carillon marquait le passage du temps. Nous, on s’en foutait du passé. On se conjuguait au présent et au futur. On se buvait, on se dévorait, on n’était plus qu’un jusqu’à ce que la jouissance nous laisse pantelants, mais repus, comblés.

Nous avons traversé la nuit et le jour ainsi. Et puis d’autres encore….

Avant de nous quitter, je t’ai demandé de ma petite voix : «C’est ça, vivre d’amour et d’eau fraîche ?» Tu as répondu avec un baiser.

Je n’avais jamais connu un tel bonheur.

Lié à: le lac bénit.

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Connais-toi toi-même ou une histoire d’Épiphanie, de galette des rois, de croyances limitantes et de restauration de planchers

13 janvier 2020

Pixabay

« Beaucoup de souffrance, beaucoup de malheur surviennent lorsque vous tenez pour vraie chaque pensée qui vous vient en tête. Ce ne sont pas les situations qui vous rendent malheureux. Elles peuvent vous causer de la douleur physique, mais sans plus. Ce sont vos pensées qui vous rendent malheureux, dont vos interprétations, les histoires que vous vous racontez. » Eckhart Tolle

 

Petite confidence pour débuter ce récit : depuis mon enfance, j’adore la première semaine de janvier parce qu’on y fête l’Épiphanie, aussi connue sous le nom de fête des Rois Mages. Quand j’étais petite, j’étais fascinée par cette histoire de sages venus d’Orient guidés dans le désert de Judée par une étoile pour trouver un enfant nouveau né. C’était les rois mages : Melchior, Balthazar et Gaspard. Nous étions trois enfants chez nous et chacun de nous avait donc son roi mage à installer dans la crèche.

Autre tradition familiale, on célébrait cette fête en mangeant brioches ou galettes des rois à la frangipane où était cachée une fève. Celui qui tirerait la fève serait désigné roi ou reine. Chaque année, ma mère nous confectionnait donc une galette et il n’était pas rare qu’on tire les rois même à plusieurs reprises au cours du mois de janvier. Autre raison gourmande pour que j’adore cette fête, moi qui raffole de la frangipane. Merci d’ailleurs à Marie de Médicis, la 2e épouse d’Henri IV d’avoir ramené d’Italie la recette! Humm, ce goût exquis d’amandes… Adulte, j’ai poursuivi cette tradition avec mes enfants et, cette année encore, j’ai confectionné une galette à la frangipane. Honneur à la tradition même si question calories, la galette est la championne!

Voilà pour la galette et la fête des rois. Maintenant quel rapport avec les croyances limitantes et la restauration de planchers? Pour la galette, j’avais envie de parler de ce temps de l’année que j’aime bien. Et puis, la galette est dorée, elle représente le soleil et mes planchers sont d’un beau jaune éclatant. Enfin, pour ce qui est des croyances limitantes, c’était le sujet du podcast que j’ai écouté en dégustant une part de galette cette semaine et en contemplant avec fierté le travail accompli sur les planchers de ma maison ancestrale. 

Selon Wikipédia, «la croyance est le processus mental expérimenté par une personne qui adhère à une thèse ou une hypothèse, de façon qu’elle les considère comme vérité, indépendamment des faits, ou de l’absence de faits, confirmant ou infirmant cette thèse ou cette hypothèse. Ainsi, les croyances sont souvent des certitudes sans preuve.» Certaines croyances nous sont utiles et nous aident à fonctionner dans le quotidien. Cependant, d’autres sont limitantes. En effet, ce sont celles qui nous freinent ou nous enferment dans une vision fausse qu’on a sur le monde ou sur nous-même. 

J’ai expérimenté l’une d’entre elles récemment. Depuis 7 ans, je restaure une maison tricentenaire avec l’aide d’artisans chevronnés. C’est génial car j’ai appris énormément grâce à eux. Cependant, avoir recours à ces personnes qualifiées n’est pas toujours possible et j’ai dû réaliser moi-même plusieurs des travaux dont le plus récent était la restauration des planchers de la salle à dîner et de la cuisine. 

Il y a quelques années, l’ébéniste avait redonné son lustre à une grande partie du plancher d’origine de la maison. Voici les opérations successives qu’il avait faites et dont j’ai été témoin : léger sablage afin d’atténuer les imperfections dans les madriers, pose d’un brou de noix (1), pose d’une couche de fond (en l’occurrence une peinture mat orange) au pinceau, pose d’une couche de peinture jaune, également au pinceau, léger sablage pour faire apparaître la sous-couche orange et certains noeuds du bois ou encore usure du plancher à certains endroits passants pour lui donner un aspect vieillot en imitant par exemple des éraflures. Enfin, pose de 2 couches de vernis. Bref, du travail de précision exigeant un certain savoir-faire. Cependant, une partie du plancher était encore à l’état brut et, pour différentes raisons, c’était à moi de terminer le travail. Cependant, depuis plusieurs années, je repoussais l’échéance. Vu que je n’avais pas confiance en moi et comme je suis perfectionniste, j’entretenais la pensée que j’étais incapable de faire ce travail. En effet, j’avais peur de manquer mon coup, ce qui m’obligerait à tout décaper pour tout recommencer et ça, c’était au-dessus de mes forces. En plus, cela confirmerait mon incompétence (or, je n’avais aucune envie de me sentir nulle) et aussi une certaine prétention : quelle idée de croire que, sans expertise, je pouvais arriver à un résultat satisfaisant et comparable à celui de mon artisan! Vous comprendrez donc que je vivais un grand stress à me lancer même si mon ébéniste m’avait donné toutes les indications pour réussir et qu’il me répétait que j’y arriverais sans problème.

Si certains questionnent ce travail en pensant qu’il aurait été plus beau (et surtout moins stressant pour moi) d’avoir un plancher sur le bois naturel, sachez que le plancher coloré à la peinture ou à la teinture artisanale représente davantage la réalité d’autrefois. Comme l’objectif de la restauration était de ramener la maison à son état originel et comme j’avais découvert des madriers peints en jaune en mettant à jour les anciens planchers, j’avais choisi de leur redonner leur patine ancienne. Mais à cette époque, je ne savais pas que ce travail me reviendrait…

https://www.flickr.com/photos/deathtogutenberg/

Ce n’est qu’en écoutant le podcast sur les croyances limitantes que j’ai compris ce qui avait été à l’oeuvre dans mon esprit pendant plusieurs années. Mon cerveau a cultivé la croyance que l’absence d’expertise en matière de restauration de plancher ancien était la cause qui m’empêcherait d’obtenir un résultat satisfaisant ou comparable à celui de mon ébéniste. Bref, pour réussir, je devais être experte et faire aussi bien que lui. Sans ça, pas de salut! J’ai laissé ce blocage mental me brider, me faire douter de mon potentiel. Je me suis donné cette bonne excuse pour ne pas me mouiller parce que j’étais persuadée que j’allais échouer. Au final, je m’étais convaincue que j’étais incapable. Je me suis aperçue en écoutant le podcast que cette pensée, cette croyance, avait eu le pouvoir de détruire ma confiance. Plus je la renforçais par ma peur de l’échec, par ma peur du jugement ou par des causes extérieures, plus je me confortais dans l’idée de mon incapacité et je ne me plaçais assurément pas dans de bonnes dispositions mentales pour le succès. À l’écoute du podcast, quand j’ai accepté qu’il était normal que j’éprouve une certaine difficulté à déconstruire cette croyance qui me faisait vivre ces émotions négatives, mais que mon cerveau avait aussi la faculté d’en manufacturer de nouvelles qui m’apporteraient des émotions positives, le déclic s’est produit.

https://www.flickr.com/photos/oklanica/

Pour redorer mon estime et m’autoriser à avoir une autre opinion de moi-même, j’ai fait la liste de tout ce que j’avais accompli dans la maison depuis des années sans avoir nécessairement une expertise aguerrie. J’ai passé en revue des photos et des publications qui étaient la preuve de mes réussites. Puis forte de ce CV bien rempli avec toutes ces expériences, j’ai inventé un scénario où j’étais l’artisan-ébéniste qui était engagé pour réaliser la restauration du plancher. Au fur et à mesure que j’imitais cette personne, à chaque coup de pinceau, j’ai gagné en confiance et je suis devenue cette personne qui maîtrisait son art. Je me suis visualisée en train d’atteindre mon but. En imaginant le scénario où j’étais le maître d’oeuvre de cette restauration, j’ai même vue ma cliente contente et moi, fière de mon travail.  Et… j’ai réussi! Le plancher est splendide et je porte désormais un regard plus objectif et bienveillant sur moi-même. J’ai remplacé la pensée négative « C’est trop risqué. Je vais me planter. » par une pensée positive « J‘ai des chances de réussir. Il y a des choses que je sais faire et qui sont la preuve de ma compétence. » Je me suis libérée de cette croyance limitante en faisant mienne cette perspective nouvelle.

Pour conclure, ce récit est la preuve que je peux changer mon expérience de vie en changeant mes croyances. Comme Wayne W. Dyer l’a maintes fois répété : une croyance n’est rien de plus qu’une pensée qu’on a pensée encore et encore. Alors, pour terminer sur une note sérieuse mais qui vous fera sourire, saviez-vous qu’en Europe, vers la fin du Moyen âge, des gens, dont le roi de France Charles VI, souffraient d’une maladie mentale qu’on a appelée la psychose du verre. En effet, ils étaient convaincus d’être faits en verre et craignaient de casser en mille morceaux. Cette croyance était telle qu’ils s’empêchaient de faire quoi que ce soit. Ils s’emmitouflaient dans des couvertures ou protégeaient leurs corps avec des coussins et évitaient même tout contact physique! Croyance limitante? Certainement!  

 

Notes

(1)  Le brou de noix est composé à l’origine d’écailles de noix broyées, aujourd’hui des extraits de cassel utilisés pour donner une couleur d’aspect vieilli au bois neuf et imiter les finitions anciennes. Il se dilue à l’eau chaude ou tiède. La dilution permet d’obtenir la teinte souhaitée. Il peut ensuite être laqué, verni, huilé ou ciré.

Lié à: le lac bénit.

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La main sur ton coeur

1 septembre 2017

À B. K.

Toi, qu’as-tu fait?

 

La main sur ton coeur

tu avais promis…

 

La main sur ton coeur

tu avais dit

les plus doux

les plus beaux

les plus joyeux

les plus lumineux des mots.

 

Toi, qu’as-tu fait?

 

La main sur ton coeur

il avait cru tes promesses.

 

Toi, qu’as-tu fait?

 

La main sur ton coeur

il avait cru

les plus doux

les plus beaux

les plus joyeux

les plus lumineux des mots.

 

Aujourd’hui

tous les mots

les plus doux

les plus beaux

les plus joyeux

les plus lumineux

tous les mots

ont perdu leur sens.

 

Aujourd’hui

les plus doux

les plus beaux

les plus joyeux 

les plus lumineux

sont vides

sont vains

plus aucun ne fait écho

dans son coeur.

 

Tu les as trahis

les plus doux

les plus beaux

les plus joyeux

les plus lumineux des mots.

 

Tous les mots

tu les as trahis.

 

Pourtant

la main sur ton coeur

tu les avais dits.

 

Pourtant

la main sur ton coeur

rappelle-toi la main sur ton coeur

tu avais promis…

 

Pourtant

la main sur ton coeur

rappelle-toi la main sur ton coeur

il les avait crus.

 

Aujourd’hui

la main sur son coeur

j’y cherche l’espoir d’un battement

un battement sans prétention

un battement sans ambition

un simple battement de vie

un battement d’espoir

un battement d’aile pour provoquer le grand changement.

 

Toi, que fais-tu?

 

N’entends-tu pas

au-delà de l’océan

sa douleur

qui gronde et tempête

sa douleur

qui brûle et ravage

sa douleur

sa douleur.

 

J’ai ma main sur son coeur.

J’ai sa main sur mon coeur.

 

Rappelle-toi la main sur ton coeur.

 

 

 

Lié à: le roc d'enfer.

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Sur mes traces

29 août 2017

À J. A. et B. K.

154, Punta Montgo apte 9, est-ce bien là?…

C’est le jour de ma fête. Jour de l’annonciation. Le soleil est fort, la mer d’un bleu profond. Elle est lisse et rejoint le ciel au point d’horizon sans aucune distinction entre l’une et l’autre comme s’il n’y avait pas de début ni de fin, comme si c’était une métaphore à décoder, comme si tout n’était qu’éternel recommencement.

C’est la tour qui m’a fait signe au loin, là-bas au bout de la baie, petite tâche colorée surplombant les maisons invariablement blanches. Elle se dresse comme autrefois, seule au sommet de la colline. Je me souviens que j’y étais montée avec un paquet d’allumettes. Pourquoi des allumettes d’ailleurs? Je ne me rappelle pas avoir eu envie de faire flamber la garrigue cette nuit-là, même si le brasier  allumé n’aurait rien eu de comparable avec le feu qui me consumait alors. Celui-là ravageait tout sur son passage, m’immolait dans un sacrifice impitoyable, celui de mes amours mortes.

Tu ne m’as pas vue sortir de la maison…

Tu avais tellement peur que je commette l’irréparable que tu m’avais enfermée dans ta chambre. À double tour plutôt qu’un. J’avais attendu que tout soit calme dans la maison et puis je m’étais évadée, sautant du balcon et manquant me rompre le cou. Là-haut, dans la clarté de la pleine Lune, la tour, depuis des siècles repère pour les marins, m’attendait.

Je venais à peine d’arriver à la tour que j’ai entendu ta voix crier dans la nuit. Je t’ai regardé gravir la colline comme un fou, guidé par les flammes, petites lucioles dans la noirceur. Tu courais à en perdre haleine en hurlant mon nom, et puis des «s’il te plait» et des «fais pas de conneries, merde!» J’ai presque trouvé ça drôle…

Tu m’as trouvée assise au pied de la falaise. Très calme. Je brûlais les allumettes. En fait, je les frottais une après l’autre et je les soufflais comme une bougie, sauf que ce n’était pas mon anniversaire.

Tu t’es assis à côté de moi, reprenant ton souffle. Tu as passé ton bras autour de mes épaules. Je ne me souviens plus si je pleurais. Tu m’as certainement dit ce qu’il convenait de dire en de telles circonstances. Que tu étais désolé, que tu n’y pouvais rien, que t’avais pas cherché ça… et puis tu as ajouté que tu m’aimais, mais que tu aimais encore plus ta liberté! Que pouvais-je faire du haut de mes vingt-trois ans contre une maîtresse aussi puissante? Je n’étais pas de taille. J’ai même pas cherché à combattre. J’ai rendu les armes. J’ai capitulé. J’ai serré très fort les allumettes brûlées dans ma main. Je me suis dégagée de ton étreinte et, sagement, j’ai repris le petit sentier qui menait à la maison. Je crois que mon mutisme t’a terrifié encore plus que mes larmes et mes cris de l’après-midi.

Nous sommes rentrés dans la maison. Tu as voulu dormir dans le même lit que moi pour être sûr cette fois-ci que je n’échapperais pas à ta vigilance. J’ai donné le change, je t’ai demandé de me prendre dans tes bras. Après tout, j’étais encore officiellement ta blonde. Tu as dit «oui, bien sûr». Ça te rassurait sur mon état. T’inquiète pas, je vais m’en sortir. C’est pas comme si ça faisait deux ans qu’on se fréquentait, hein? Trois petits mois d’amour, c’est pas grand chose…

Tu m’as dit que j’étais incroyable. Je crois même que tu as dit que j’étais terrible. Que ça te manquerait… Et puis, tu t’es endormi comme une masse. Moi, j’avais ta main sur mon coeur, les yeux grand ouverts, et toujours les allumettes dans ma paume.

Je n’ai pas dormi de la nuit. J’ai imaginé ma vengeance. Patiemment, méthodiquement. Un jour, tu rencontrerais une femme d’une beauté exceptionnelle, chavirante. Des cheveux de geai, des yeux d’un bleu intense. Un corps de rêve, bien entendu. Au premier regard, tu en tomberais immédiatement amoureux fou. Tu quitterais femme et enfants pour la suivre et, quand elle se serait bien assurée de ton amour inconditionnel pour elle, elle t’abandonnerait à ton tour. Sans un mot d’explication. Sans prévenir. Un matin, tu ne trouverais plus rien qui puisse te rappeler qu’elle avait fait partie de ta vie. Tu aurais vécu quelques années avec elle, sans jamais me reconnaître.

Ton bras avait glissé. J’en ai profité pour sortir du lit. J’ai ouvert la baie vitrée. Le feu de mon coeur embrasait le ciel. Avec les allumettes brûlées, j’ai écrit JE T’AIME sur le plancher du balcon. J’ai pris tes clés de voiture. J’ai ouvert la porte. Je suis sortie. Je ne savais pas où j’irais. Le moteur du 4×4 blanc a vrombi. Tu as sursauté dans le lit constatant ma deuxième fugue. Tu t’es précipité dehors. Je t’ai vu gesticuler dans mon rétroviseur et enfourcher ta moto, mais j’étais déjà loin. Quand tu es arrivé au bout du chemin, quelle direction prendre? Gauche? Droite? Tu as certainement dû échapper un «Putain! Fais chier!» Tu es retourné à la maison. Plus tard, t’as appelé tes amis pour leur dire de venir te chercher pour aller surfer, que j’étais partie avec ton char…

J’ai roulé, suivant le chemin qui menait à la plage, celle où je t’attendais durant des heures, assise à te regarder fendre l’écume sur ta planche. Mais ce matin-là, il était si tôt que la plage était déserte. Aucun papillon multicolore ne virevoltait déjà sur les flots. C’était bizarre de me retrouver là sans toi. Comme une incongruité. Aujourd’hui, je sais que l’incongruité, c’était moi. Je n’avais pas de place dans ta vie. Je ne t’avais pas choisi. C’était toi. Tu m’avais eue dans ta mire et avais travaillé sans relâche jusqu’à ce que je cède à tes avances. Tu n’avais écouté que ta chanson et n’avais jamais joué que ta partition. Moi, je manquais les croches et je ne respectais pas les silences. J’étais toujours à contre-temps, jamais dans la mesure, toujours trop vite ou pas dans le ton.

Hier, quand ma soeur a senti qu’il était important pour moi de retourner sur mes traces. Quand mon fils a demandé pourquoi je cherchais à me rendre jusqu’à cette tour qui lui paraissait sans intérêt, elle a répondu que j’avais un pèlerinage à faire. Et elle a ajouté : «allons-y!»

Comme le temps n’est rien! À peine j’avançais sur le chemin qui menait à la tour que je replongeais dans cette nuit de juillet. Malaise, tristesse, dépit, colère,… C’était si vivace encore. La blessure à vif, j’ai serré les mains sur des allumettes imaginaires.

Tu m’avais abandonnée. Tu m’avais laissé venir à toi pour me dire que tu m’abandonnais pour une femme qui portait le même nom que moi, que tu n’aimais pas, qui serait une passade. Pour me dire que tu ne m’avais pas encore trompée, mais qu’il fallait qu’elle soit tienne pour en finir avec cette obsession.

Je t’avais crié : «eh bien , baise-la! Et après, on pourra s’aimer comme avant!» Mais ça non plus, ça n’aurait pas pu être possible…

Après cette nuit, c’est moi qui n’ai plus été capable d’aimer du tout. J’ai trainé avec moi comme un boulet, cet abandon…. J’ai forcé mon coeur, essayé de lui imposer des hommes qui voulaient beaucoup mais ne pouvaient en donner autant, fait taire ma voix, oublié mes désirs. Je n’ai jamais trouvé quelqu’un qui m’acceptait complètement.

J’ai compris au pied de la tour, regardant mon passé sans faux fuyant que mes amours successives n’avaient jamais été là pour un partage, une communion, un chemin. Elles avaient tenté inlassablement de combler un manque, la peine si douloureuse de cet abandon, le premier de ma vie. Lorsque je suis revenue très tard, ce soir de juillet, il y a vingt-quatre ans, j’ai fermé ma valise. Je ne l’ai plus jamais rouverte.

24 ans…

… Jusqu’à aujourd’hui.

Ave Maria.

Roses, le 16 août 2017

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