La pire saloperie que puisse vous faire un cauchemar, c’est de vous donner l’illusion de sa propre conscience et de continuer à en être un!
Daniel Pennac
Il y a des rêves délicieux où tout est pour le mieux mais ces rêves ont une existence éphémère et nous sommes toujours déçus au réveil de constater qu’ils nous ont trompés. Il y a aussi les rêves qui nous assaillent, s’agrippent et nous font vivre de terribles heures d’angoisse : ces rêves-là sont infatigables. Ils vous traquent toutes les nuits et restent fidèles à votre sommeil. De ces rêves, vous êtes heureux de vous défaire au matin, et la réalité vous surprend par son calme et sa douceur.
Durant toute mon enfance, je fus abonnée à ces songes barbares et impitoyables. Il en existait sûrement quelques-uns reposants et heureux dans l’espace de mes nuits mais ma mémoire les a effacés. Pourtant, ce n’était ni l’orage menaçant avec les roulis du tonnerre et les éclats de la foudre, ni la peur du noir ou du silence de la nuit qui me terrorisaient. Non, ce n’était, je crois, aucun motif enfantin qui nourrissait mon imagination nocturne. Mon esprit ne parvenait pas expliquer cette peur tant elle était complexe.
L’histoire même de cette peur, le scénario qui se reproduisait chaque nuit, je pouvais les dire facilement, mais l’emprise des décors, elle, m’affolait. C’était une figure géométrique, un dessin d’architecte, de bâtisseur fou, l’idée même de l’absolu, de la solitude infinie, de la mort aussi. Pour échapper à cette image qui, chaque nuit, devenait plus présente et plus précise, je me réfugiais au fond de mon lit. Au matin, ma mère apercevait deux pieds roses sur l’oreiller et découvrait ma tête enfouie sous une montagne de peluches destinées à me protéger de mes agressions nocturnes. Chaque matin, elle me demandait comment je pouvais réussir à respirer et s’inquiétait de me retrouver un de ces matins morte étouffée.
Le cauchemar qui m’habitait avait toujours les mêmes allures. Il commençait ainsi : je me trouvais dans ma chambre tranquillement installée à lire. La porte de ma chambre était fermée, rien d’alarmant ne me troublait. Puis je sentais une présence hostile se rapprocher. Pour la fuire, j’ouvrais la porte de ma chambre et, au lieu de l’habituelle salle à manger, se trouvait un immense couloir sur lequel donnaient des centaines de portes toutes semblables. Pour échapper aux créatures que j’avais surnommées les monstres, je choisissais une des portes au hasard , je l’ouvrais, je la refermais soigneusement en veillant à barrer tous les verrous. Et de nouveau, un couloir avec d’autres portes. Je renouvelais l’opération : choisir une porte, ouvrir la porte, la refermer, la verrouiller, et encore un couloir et encore des portes. L’espace perdait toute valeur : tout se ressemblait. Malgré ma fuite, malgré les verrous, malgré le choix aléatoire des portes, la présence hostile qui m’avait surprise dans ma chambre continuait à me suivre. Elle passait les portes, elle se moquait des verrous, du hasard du choix des portes et des couloirs. Elle me poursuivait sans relâche où que j’aille.
Je m’arrêtais parfois, trouvant derrière une porte, un placard où je pouvais m’enfermer, où j’espérais échapper aux monstres. Mais ils me retrouvaient toujours. Il me fallait alors repartir, choisir d’autres portes, inlassablement jusqu’à ce que le jour se lève et que je me réveille.
Je ne suis toujours pas en mesure d’expliquer ce rêve. Je sais seulement aujourd’hui qu’il reproduisait le schéma complexe et subtil du labyrinthe. Celui-ci était infini et personne ne l’habitait, sinon moi et ces monstres, qui d’ailleurs ne devaient être qu’un.
Serait ton pas » pit,pat » dans le couloir à Champagne ??
Oui 😉