Lettre ouverte à Monsieur Loys Bonod

12 décembre 2013

« À quoi ça sert un prof? Ça sert à rendre pertinent ce qui ne serait que vrai.»

Fernand Dumont

Ce billet est en réponse à l’exégèse écrite par Monsieur Loys Bonod dans le forum de son blogue à propos d’un de mes billets publiés à l’occasion d’une «amusante expérience qu’il a menée sur le Web.

 

 

Bonjour Monsieur Bonod,

Avant tout, permettez-moi de n’avoir pas rappelé dans le détail votre «expérience» puisqu’un hyperlien dans mon billet menait directement à la page où vous expliquiez vous-même très clairement ce que vous aviez fait. Il me paraissait superflu d’en rajouter.

 

Premièrement, je sais très bien ce qu’est un commentaire de texte. J’ai suivi un cursus scolaire en France. C’était il y a longtemps, mais je suppose que ça n’a pas dû évoluer beaucoup depuis que j’ai quitté le pays puisqu’il existe encore dans la même mouture l’examen oral du baccalauréat de français d’après ce que je lis . Sauf qu’aujourd’hui c’est 25 ans plus tard la même épreuve. 25 ans… Quand même…!

 

Deuxièmement, il n’existe pas dans la sanction des études au Québec d’épreuve de lecture telle celle du commentaire de texte, une épreuve d’écriture permet d’obtenir le DES au terme de cinq années de secondaire. La lecture est évaluée par l’enseignant ainsi que la communication orale.

 

Troisièmement, je pense que le savoir a tout à voir avec n’importe quelle appréciation et interprétation de texte ou d’oeuvre, sinon sur quoi se baser pour commenter? Quels sont les critères qui nous permettent de justifier, d’argumenter, d’expliquer?

Les connaissances n’ont aucun rapport au savoir? Je me souviens de mes cours de lycée : la prof nous donnait SON analyse, SON commentaire composé, Sa lecture du texte et nous les apprenions par coeur pour le bac de français. À part exercer ma mémoire, je ne suis pas certaine que cet exercice ait développé ma capacité à analyser personnellement un texte. Alors oui, je conteste la pertinence de l’examen pour valider des compétences en lecture. Mais je ne vous tiens pas responsable du choix des épreuves qui sanctionnent les études en France! Ce qui m’afflige par contre à vous lire, c’est que vous avez l’air de justifier votre présence auprès de vos élèves seulement pour cette épreuve. Votre enseignement est destiné à leur faire passer un examen! Personnellement, je n’ai jamais vu mon rôle ainsi quand j’enseignais, en ZEP en France et ensuite au Québec.

 

P. 33 du PFEQ 2e cycle du secondaire

Poser un regard critique sur des textes courants et littéraires en appliquant des critères d’appréciation

Les élèves ont à observer les écrits sous plusieurs angles pour juger d’un propos ou pour commenter des façons d’écrire. Ils continuent à apprendre à tirer profit de leurs expériences, de leurs connaissances et de leurs repères culturels (œuvres lues, auteurs reconnus dans la communauté scientifique ou littéraire, stéréotypes, etc.) pour élaborer des critères et juger, par exemple, de l’intérêt ou du pouvoir d’évocation d’un passage, de l’originalité du traitement du sujet, de la solidité d’une hypothèse ou de la crédibilité d’un auteur. En confrontant leurs appréciations avec celles de leurs pairs et en prenant connaissance de commentaires de spécialistes ou de critiques, ils en arrivent à relativiser leurs jugements et à les formuler de façon nuancée. Cette famille de situations sert d’assise et de passerelle entre l’information et la littérature et, à l’aide de critères, elle permet d’apprécier aussi bien des textes courants que littéraires. Les critères que les élèves élaborent, d’abord avec le soutien de l’enseignant, puis avec de plus en plus d’autonomie, tiennent compte des indications fournies à l’égard de la qualité des textes et des œuvres dans le tableau du répertoire personnalisé.

 

De plus, je suis contre les corrigés en ligne, pas en ligne, en fait peu importe où ils se trouvent. Je suis pour qu’un élève fasse preuve de jugement critique en discriminant dans les sources à sa disposition celles qui seront les meilleures pour qu’il construise sa pensée et donne du sens à ses propos. Si j’avais à enseigner en France, je me servirais de ces corrigés en ligne comme exemples pour montrer à mes élèves comment tirer partie de leur répertoire personnel de connaissances et de repères culturels. Je leur apprendrais à les crititquer et à les commenter avec leur propre interprétation élaborée sur des critères précis. Je leur apprendrais l’autonomie et la confiance parce que ça en prend aussi de la confiance pour se prononcer sur un texte résistant voire hermétique quand ce n’est pas hors de leur portée comme le texte baroque que vous aviez soumis à vos élèves. Mais comment nos élèves peuvent-ils apprendre à le faire si personne ne le leur apprend?

 

PFEQ p. 1

L’enseignant doit les amener à établir des liens entre les apprentissages qu’ils font dans des situations diversifiées, à choisir les démarches les plus appropriées et à prendre l’habitude de réinvestir leurs acquis dans un large éventail de contextes scolaires et extrascolaires. Il doit également les amener à trouver un juste équilibre entre les ressources documentaires et littéraires de la bibliothèque, les rencontres avec des personnes qui exercent différentes fonctions et l’utilisation de l’ordinateur et d’Internet.

 

«Le mot n’est pas le sens», dit souvent Britt-Mari Barth. Ainsi, Web 2.0 ou web social renvoie à un concept bien précis, car il existe aussi le web 1.0 (web passif) et le web 3.0 (web sémantique) désormais. J’ose espérer que vous connaissez la différence sinon il y a Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0 D’autre part, le fait d’utiliser l’expression ne confère aucune expertise technopédagogique! Cela vise simplement à préciser dans quel paradigme on se situe.

 

Ce qui doit s’imposer à l’école, c’est une révolution de la façon d’enseigner et d’apprendre. En cela, les outils du 2.0 apportent un soutien. Ils ne sont pas la finalité. Ils ne sont que des outils comme tant d’autres outils qui ne sont pas technologiques pour mieux développer des compétences en lecture, en écriture et en communication orale, pour acquérir des connaissances, construire sa vision du monde et son identité.

 

Vous trouvez mes propos diffamatoire parce que j’emploie des termes comme «manque d’éthique» ou encore «malhonnêteté intellectuelle». Cependant,  ce sont ceux-là précisément qui conviennent à votre geste parce qu’il existait bien d’autres façons, et constructives, et engageantes pour faire prendre conscience du problème à vos élèves. Nous sommes tous confrontés au phénomène du copier/coller car l’information est très accessible. Cela induit que notre rôle d’enseignant doit tenir compte du contexte dans lequel nous enseignons. Le nier, c’est nier la société, le monde, le rapport au monde qui inclut le rapport au savoir, car l’école a pour mission d’y préparer nos jeunes.  Au Québec, les enseignants possèdent un référentiel de compétences professionnelles. Je vous invite à prendre connaissance de la compétence 12 Agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions.

 

D’autre part, j’ai relaté l’expérience de la prépa littéraire pour souligner l’absurdité de l’exercice qui m’était imposé à moi et aux autres. C’était un exemple, vous savez le procédé qu’on utilise comme étayage dans une lettre d’opinion. Je ne sais pas si vous êtes passé par le tordeur des classes préparatoires. Moi oui! Je me souviens des techniques de survie que nous (je dis bien NOUS, car je n’étais pas la seule à user de stratagèmes pour survivre au rythme et aux exigences. Personne ne dort en classes prépa sauf le matin dans les cours de philo pour rattraper quelques heures de la nuit passée à bûcher!) Pour preuve cette lettre écrite par une jeune normalienne récemment. J’aurais aimé que cet enseignant de latin au lieu de nous bombarder de textes à traduire sans aucun soutien nous modélise comment faire une bonne traduction, nous fasse comparer des traductions et nous montre pourquoi telle ou telle traduction était meilleure qu’une autre. Au bout du compte, j’aurais sûrement été capable de traduire par moi-même en y trouvant du plaisir, car j’aurais développé une confiance en mes capacités qui m’aurait détournée de l’envie de chercher ces aides dans les traductions retirées du circuit par ce prof si bienveillant et si déterminé à m’apprendre à penser… SEULE!

 

Les élèves n’ont pas davantage raison de tricher que vous avez le droit de les piéger. Éduquer, ce n’est pas ça. Je ne cautionne pas leur attitude, je la trouve simplement justifiée vu le contexte peu signifiant de la tâche pour eux. Il faudrait questionner la pertinence de maintenir l’examen tel qu’il est et vérifier ce qu’il valide pour vrai… À mon sens, certainement pas la capacité à lire.

 

Le web ne pousse personne à faire quoi que ce soit. Vos élèves trouvent des réponses en ligne parce que les questions qu’on leur pose sont «googlables»! Elles ne sollicitent ni leur créativité ni leur jugement critique. Posez une question dont la réponse demande recoupement d’informations, décryptage de l’inférence, analyse des énoncés, des objets, comparaison, etc. Bref, cela. Vous verrez la différence!

 

Dernière précision : j’ai travaillé à la validation des programmes de français et à la progression des apprentissages au Ministère de l’Éducation du Québec. J’ai ensuite travaillé à l’implantation et l’accompagnement dans le milieu de ces documents ministériels prescriptifs. Les exemples que je citais de nos programmes de français sont des exemples en contexte d’apprentissage et non d’évaluation.

 

Enfin, je me considère encore une élève, encore une apprenante active dans une communauté d’apprentissage qui est connectée par la technologie et qui s’alimente grâce à la technologie. Je n’ai jamais autant appris que depuis que je suis en réseau avec des centaines de professeurs à travers le monde et je travaille chaque jour à ce que ce réseau s’aggrandisse, se solidifie et joue un rôle dans la réussite des jeunes qui nous sont confiés.

 

Nathalie Couzon

 

 

Lié à: le col des contrebandiers.

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Des tweets aux écrits longs, vers une passerelle transatlantique*

6 septembre 2011

*Merci à au génie créateur et créatif de Bertrand Formet pour le titre du projet 🙂 et pour plusieurs précisions apportées au billet, notamment en ce qui concerne les programmes d’études français.

Bon, ben voilà, on y est : le projet #twittclasse Québec-France vient de voir le jour, et moi, je suis comme une maman qui contemple son bébé pour la première fois : émerveillée, ravie, conquise et je vous promets que, dans la bouche d’Amandine Terrier, cet adjectif sonne encore plus joli ;-). J’ai rêvé ce moment de partage et de collaboration pédagogiques en mode 2.0 et, depuis quelques heures, il se concrétise grâce à Amandine Terrier (alias @AmandineTer), Marie-Ève Gauron (alias @megauron) et Bertrand Formet (alias @TiceChampagnole) et, bientôt grâce aux élèves de ces deux enseignantes qui vont se découvrir, apprendre à se connaître, construire ensemble des savoirs et écrire en collaboration malgré la distance, malgré le décalage horaire, grâce aux réseaux sociaux et aux technologies de l’information et des communications.

L’intention

L’idée au départ est de mener une expérience qui démontre l’intégration des TIC au service des apprentissages en français et au développement de la compétence à écrire, en utilisant entre autres des outils de microblogage comme Twitter et ou de blogue comme Tumblr, partant de l’hypothèse que produire des écrits courts au quotidien avec un destinataire réel permet de relancer la motivation des élèves à produire des textes plus longs que les 140 caractères imposés par Twitter. Pour reprendre les mots d’Amandine, «cet exercice reste moins fastidieux que l’écriture d’un texte long […] et pourtant nous nous entendons tous qu’il en faut des connaissances pour bien tweeter. Alors comme «on ne FAIT pas de la production d’écrit en classe gratuitement, qu’on ÉCRIT dans un but précis et le plus souvent possible POUR un destinataire, il est nécessaire que les écrits aient du sens : j’écris pour quelqu’un, soit, mais sur Twitter, je m’en rends compte !»

Les acteurs

Deux classes francophones de l’enseignement primaire, une classe au Québec et une en France, soit la classe de 3e cycle (élèves âgés de 10 et 11 ans de la 5e année du primaire) de Marie-Ève Gauron de l’Externat Saint-Coeur de Marie à Beauport (Québec) (@classemegauron) et la classe du cycle 3 (élèves âgés entre 8 et 11 ans des classes de CE2, CM1 et CM2) d’Amandine Terrier à Crotenay (Jura, France) (@crotenaycycle3), accompagnées au Québec par Claude Frenette, conseiller RECIT (@claude_frenette) et moi-même (@nathcouz) et en France par Bertrand Formet, animateur TICE (@TiceChampagnole).

Les premiers échanges

Amandine nous rappelle quelques constats suite à sa dernière expérience d’utilisation de Twitter en salle de classe. Elle revient sur les bénéfices de l’utilisation de l’outil mais aussi sur les contraintes et les difficultés. On ne se fait pas de cachette et, dans cette aventure pédagogique transatlantique, ce qui est fabuleux, c’est l’immédiate complicité qui nait entre nous. On ne minimise pas la prise de risques et on se parle en toute confiance. Marie-Ève formule d’entrée de jeu à sa collègue française qu’elle ne maîtrise pas encore très bien Twitter. Amandine la rassure en lui prodiguant quelques conseils et en lui garantissant soutien et collaboration pour se familiariser rapidement avec l’outil.

Le projet (étape par étape)

Étape 1

Une fois que Marie-Ève se sentira prête à gazouiller, les élèves profiteront de la contrainte des 140 caractères de Twitter pour se présenter les uns aux autres et valoriser leurs centres d’intérêt. Ils pourront faire connaître à leurs futurs abonnés qui ils sont en tant que personnes et en tant que groupe-classe également. Ils pourront donc parler d’eux dans des tweets, en choisissant dans une grille de présentation la ou les caractéristiques personnelles qu’ils désirent faire valoir puis ils produiront en commun d’autres tweets à partir d’une discussion en équipe ou de la création d’une carte heuristique qui schématisera la représentation qu’ils se font de leur classe et de leur milieu de vie.

Chacune des classes reprendra les tweets de l’autre classe et fera une synthèse de ces informations, en écrivant de courts textes à partir des tweets et/ou en créant des cartes mentales. Les tâches pourraient être réparties entre les élèves en tenant compte de leur intérêt à réaliser l’une ou l’autre des tâches.

Suite à cette activité de découverte, les élèves pourront questionner les jeunes de l’autre classe pour, par exemple, demander des précisions ou commenter les informations reçues sur la time line du projet #140etplus.

Avant cette discussion virtuelle, les élèves auront pu comparer les différences et les ressemblances entre chacun de leurs milieux de vie, ce qui leur permettra de s’ouvrir sur le monde et à la diversité culturelle. On peut facilement faire des liens avec les domaines généraux de formation (DGF), les autres disciplines notamment Éthique et Culture religieuse (ECR) et Univers social et les visions du programme de l’école québécoise.

Pour ce qui relève du programme en France, il y aurait aussi un ancrage possible pour développer des compétences en vocabulaire (Français), des notions en lien avec la culture humaniste (Histoire et Géographie) et aussi les concepts de respect des personnes et de francophonie (Instruction civique et Morale).

Les interactions issues de ces échanges via Twitter seront le point de départ d’écrits plus longs. En ce sens, on considérera les tweets comme des textes précurseurs de ces écrits et cela sera la deuxième étape du projet (donc à suivre dans un prochain billet).

Les connaissances en action

Il est évident que tweeter exige de réaliser de nombreux apprentissages en langue et suppose le réinvestissement de nombreuses connaissances, soit des notions et des concepts, des stratégies et aussi la prise en compte des repères culturels. Chaque enseignante planifiera ces apprentissages et les intègrera au travail sur la langue et sur les textes. Ce sera par exemple l’occasion de travailler autrement des concepts en grammaire (la phrase interrogative), des notions lexicales et l’orthographe, des stratégies (voir les pistes pour l’appropriation des connaissances présentées dans la deuxième section de la Progression des apprentissages en écriture au primaire) et des repères culturels (voir la production audiovisuelle du projet du Mois de la Culture 2012 en ligne dès octobre 2011 sur le site du MELS ). Et pour faire des ponts entre nos deux milieux scolaires, on retrouve dans le programme de français de la France des propos qui sonnent familiers à nos oreilles québécoises.

« L’acquisition du vocabulaire accroît la capacité de l’élève à se repérer dans le monde qui l’entoure, à mettre des mots sur ses expériences, ses opinions et ses sentiments, à comprendre ce qu’il écoute et ce qu’il lit, et à s’exprimer de façon précise et correcte à l’oral comme à l’écrit.»

Je reviendrai sur tous ces éléments relatifs aux programmes d’étude de façon plus détaillée dans un prochain billet.

Et peut-être que ….

Une fois que tout ce travail aura été accompli, les élèves se lanceront dans l’écriture d’un récit collaboratif avec un intérêt particulier pour deux modes de discours, la description et la narration. Les ingrédients du récit, sa construction, son organisation seraient issus des échanges entre les deux classes qui deviennent ressources l’une pour l’autre. Le Tumblr serait l’environnement choisi pour le dépôt des morceaux du récit en construction et Twitter servirait de passerelle pour le partage de commentaires et rétroactions entre les deux classes. Ainsi Twitter devient une banque d’informations où pourraient émerger les idées, où les élèves pourraient échanger, commenter, réagir aux questions qu’ils se posent ou que le récit en construction suscitera.

 

Mais avant tout ça, kécékisétaitpassé, hein?

La genèse du projet #140etplus

Jour 1

Les nombreux projets et expériences outre-atlantiques utilisant un réseau social tel que Twitter en cours de français m’inspirent, me séduisent et rejoignent ma vision de l’école telle qu’elle devrait être aujourd’hui. L’emploi du conditionnel n’est pas innocent dans la phrase précédente… et j’en ai déjà parlé ici et ici. Ces nouvelles façons d’envisager l’enseignement du français et l’apprentissage m’aident à poursuivre ma réflexion sur l’intégration des technologies au développement des compétences et au service des apprentissages en langue maternelle. Ici, je rejoins les préoccupations de Laurence Juin et les commentaires suscités par ses propos.

«Tout dépend finalement de l’usage pédagogique que nous souhaitons, enseignants, donner à ces outils. Comme on ne donne pas n’importe quel livre à lire à un élève sans réfléchir au scénario pédagogique associé, on ne met pas à leur disposition n’importe quel outil du Web 2.0

Twitter n’est rien en soi pas plus qu’un TBI, qu’une craie, que le matériel didactique même parfois. Ce qui m’intéresse pour ma part, c’est de voir s’il y a des apprentissages qui peuvent être réalisés mieux avec Twitter, de façon plus durable, si le rapport à la langue des élèves s’en trouve modifié, si cela le rend plus positif, si les apprentissages prennent un autre sens, deviennent plus signifiants et par exemple en ce qui concerne la révision de texte. Bref, si, au terme de ces expériences, les élèves ont développé davantage leur compétence à écrire. Lire à ce sujet le rapport d’évaluation de programme paru en 2009 sur la perception du sentiment de compétence chez les élèves québécois en écriture et en lecture :

«Comme l’illustre la figure 1, la perception de compétence en lecture et en écriture est de moins en moins élevée du primaire au secondaire. Également, il existe une diminution de la motivation à lire et à écrire à mesure que le niveau scolaire augmente. Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus par de nombreuses recherches, menées au Québec (Bouffard et autres, 2005) ou ailleurs (eccles et autres, 1993 ; McKenna et autres, 1995 ; Wigfield et autres, 1997), qui ont montré que la perception de compétence et la motivation scolaires de l’élève tendent à diminuer à mesure que celui-ci progresse dans le système scolaire.» (p.54)

Jour 2

Les profs sont blogueurs (oui, le paradis existe!) et alimentent leurs blogues respectifs de compte-rendus, constats, commentaires très riches dont je prends connaissance avec intérêt. Mon envie d’accompagner des enseignants dans un projet #twittclasse se fait plus précise, et au hasard de mes lectures, je découvre les regrets d’Amandine concernant le désintérêt de ses élèves pour le blogue après avoir vécu l’expérience Twitter. «Zut alors!», que je me dis…

Jour 3

Il y eut un soir, il y eut un matin et… l’idée germa! J’aurais pu aussi parodier le savant grec Archimède et crier ηὕρηκα, mais comme je n’étais pas certaine que tout le monde comprenne, j’ai abandonné l’idée de m’exprimer en grec. Blague à part voilà ce que je me suis dit : pourquoi tweeter empêcherait-il de bloguer? Et encore : comment Twitter pourrait-il permettre de revenir au blogue ou redonner envie aux élèves d’y écrire, d’y publier? Et par dessus ou en dessous, comment Twitter permettrait-il d’écrire autrement et mieux, d’apprendre autrement et mieux, et tout cela de façon durable? Bref, qu’est-ce qui dans ces nouvelles pratiques permet aux élèves de devenir de meilleurs scripteurs et de développer un rapport positif à la langue et à l’écriture?

Jour 4

J’ai envoyé dans le vaste océan un tweet et Amandine Terrier a répondu. J’ai eu ensuite le bonheur immense par un beau dimanche de pouvoir échanger via skype avec elle. Je lui ai proposé de créer une collaboration France-Québec. Elle a accepté.

Voici un résumé de notre conversation. J’ai peut-être inversé des propos et attribué à Amandine mes paroles et inversement, mais ce n’est pas très grave parce que nous étions en communion de pensées, ce qui fait que peu importe qui a dit quoi, pourvu que vous ayez la «substantifique moelle» comme dirait mon ami François…

nathcouz : Salut Amandine, penses-tu comme moi qu’on peut travailler à partir des tweets pour redorer le blason du blogue en utilisant la TL comme une banque d’informations et d’espace de questionnements, d’échanges, de réactions ou d’appréciations?

AmandineTer : En somme, le blogue deviendrait le support d’un texte où s’organiseront les tweets?

nathcouz : Oui, exactement. On pourrait imaginer par exemple un apprentissage en grammaire de la phrase sur l’interrogation quand tes élèves questionneraient les élèves québécois…

AmandineTer : Ouiiii et aussi en lexique sur le vocabulaire parce qu’au Québec vous avez plein d’expressions qu’on n’emploie pas ici 🙂

nathcouz : On pourrait aussi travailler en grammaire du texte sur les marqueurs pour lier la progression des informations une fois qu’on aurait une banque assez fournie sur Twitter.

AmandineTer : Ce serait chouette : mes élèves  découvriraient un milieu francophone différent du leur.

nathcouz : Yeah, une belle façon d’exploiter les repères culturels!

(Désolée, déformation professionnelle, c’est ça que ça fait d’être chargée de projet depuis trois ans pour le Mois de la culture, j’en vois partout!)

AmandineTer: On pourrait demander aux élèves québécois d’écrire un texte long à partir des tweets de mes élèves et inversement.

nathcouz : Super, une expérience d’écriture collaborative où les jeunes négocient le sens et l’organisation du récit via les tweets qui seraient traités de part et d’autre. Les publications des textes longs donneraient lieu à des interactions sur Twitter, genre appréciation, réaction et commentaire critique. On toucherait ainsi différentes dimensions de la lecture qui serviraient au final l’écriture et puis ce serait une belle manière d’interrelier les compétences via les TIC et d’exploiter les différentes familles de situations et…

Là, silence. Silence parce que je perds Amandine dans le vocabulaire des programmes de français de l’école québécoise, mais silence surtout parce que, sans déconner, toutes les deux, à cet instant précis, on a vraiment eu l’intuition qu’y avait kekchose qui se passait (comme dirait André Sauvé, inside Joke pour @mariejoharnois et les CP de français des formations du MELS), qu’on avait un beau projet à concrétiser qui serait signifiant pour les élèves et qui donnerait aussi de la pérennité aux microtextes publiés sur Twitter.

Jour 5

Enthousiaste, je pars à la recherche du prof qui acceptera au Québec de se lancer dans l’aventure et, lors d’une formation du MELS, je rencontre Marie-Ève Gauron, une enseignante du primaire à l’Externat Saint-Coeur de Marie, une école privée de la région de Québec. Elle se montre très intéressée et accepte de me revoir pour lui présenter le projet plus en détails, ce que nous faisons la veille des vacances scolaires.

Jour 6

Passe l’été et Marie-Ève, le 27 août, m’envoie un courriel pour me signifier son intérêt toujours marqué pour le projet Twittclasse. Je sers d’agent de liaison entre Marie-Ève et Amandine et nous convenons d’une rencontre skype pour le dimanche 3 septembre (oui, un dimanche!).

Jour 7

Dimanche 3 septembre. Revenir au début du billet pour savoir ce qui s’est dit en ce beau dimanche qui précédait la rentrée des classes.

Pour conclure, ce lonnnnnng billet, je ne sais pas ce que Dieu a fait le septième jour, mais moi,  je suis allée me coucher avec plein d’étoiles dans les yeux et, dans quelques heures, en ce beau lundi 19 septembre, j’ai bien hâte de les voir briller dans les yeux de ces élèves de la centième twittclasse francophone.

 

À lire, en complément cet article paru dans le Monde, Maîtresse, quand est-ce qu’on tweete?

 

 

Lié à: la pointe de Tardevant.

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