Lettre ouverte à Monsieur Loys Bonod

12 décembre 2013

« À quoi ça sert un prof? Ça sert à rendre pertinent ce qui ne serait que vrai.»

Fernand Dumont

Ce billet est en réponse à l’exégèse écrite par Monsieur Loys Bonod dans le forum de son blogue à propos d’un de mes billets publiés à l’occasion d’une «amusante expérience qu’il a menée sur le Web.

 

 

Bonjour Monsieur Bonod,

Avant tout, permettez-moi de n’avoir pas rappelé dans le détail votre «expérience» puisqu’un hyperlien dans mon billet menait directement à la page où vous expliquiez vous-même très clairement ce que vous aviez fait. Il me paraissait superflu d’en rajouter.

 

Premièrement, je sais très bien ce qu’est un commentaire de texte. J’ai suivi un cursus scolaire en France. C’était il y a longtemps, mais je suppose que ça n’a pas dû évoluer beaucoup depuis que j’ai quitté le pays puisqu’il existe encore dans la même mouture l’examen oral du baccalauréat de français d’après ce que je lis . Sauf qu’aujourd’hui c’est 25 ans plus tard la même épreuve. 25 ans… Quand même…!

 

Deuxièmement, il n’existe pas dans la sanction des études au Québec d’épreuve de lecture telle celle du commentaire de texte, une épreuve d’écriture permet d’obtenir le DES au terme de cinq années de secondaire. La lecture est évaluée par l’enseignant ainsi que la communication orale.

 

Troisièmement, je pense que le savoir a tout à voir avec n’importe quelle appréciation et interprétation de texte ou d’oeuvre, sinon sur quoi se baser pour commenter? Quels sont les critères qui nous permettent de justifier, d’argumenter, d’expliquer?

Les connaissances n’ont aucun rapport au savoir? Je me souviens de mes cours de lycée : la prof nous donnait SON analyse, SON commentaire composé, Sa lecture du texte et nous les apprenions par coeur pour le bac de français. À part exercer ma mémoire, je ne suis pas certaine que cet exercice ait développé ma capacité à analyser personnellement un texte. Alors oui, je conteste la pertinence de l’examen pour valider des compétences en lecture. Mais je ne vous tiens pas responsable du choix des épreuves qui sanctionnent les études en France! Ce qui m’afflige par contre à vous lire, c’est que vous avez l’air de justifier votre présence auprès de vos élèves seulement pour cette épreuve. Votre enseignement est destiné à leur faire passer un examen! Personnellement, je n’ai jamais vu mon rôle ainsi quand j’enseignais, en ZEP en France et ensuite au Québec.

 

P. 33 du PFEQ 2e cycle du secondaire

Poser un regard critique sur des textes courants et littéraires en appliquant des critères d’appréciation

Les élèves ont à observer les écrits sous plusieurs angles pour juger d’un propos ou pour commenter des façons d’écrire. Ils continuent à apprendre à tirer profit de leurs expériences, de leurs connaissances et de leurs repères culturels (œuvres lues, auteurs reconnus dans la communauté scientifique ou littéraire, stéréotypes, etc.) pour élaborer des critères et juger, par exemple, de l’intérêt ou du pouvoir d’évocation d’un passage, de l’originalité du traitement du sujet, de la solidité d’une hypothèse ou de la crédibilité d’un auteur. En confrontant leurs appréciations avec celles de leurs pairs et en prenant connaissance de commentaires de spécialistes ou de critiques, ils en arrivent à relativiser leurs jugements et à les formuler de façon nuancée. Cette famille de situations sert d’assise et de passerelle entre l’information et la littérature et, à l’aide de critères, elle permet d’apprécier aussi bien des textes courants que littéraires. Les critères que les élèves élaborent, d’abord avec le soutien de l’enseignant, puis avec de plus en plus d’autonomie, tiennent compte des indications fournies à l’égard de la qualité des textes et des œuvres dans le tableau du répertoire personnalisé.

 

De plus, je suis contre les corrigés en ligne, pas en ligne, en fait peu importe où ils se trouvent. Je suis pour qu’un élève fasse preuve de jugement critique en discriminant dans les sources à sa disposition celles qui seront les meilleures pour qu’il construise sa pensée et donne du sens à ses propos. Si j’avais à enseigner en France, je me servirais de ces corrigés en ligne comme exemples pour montrer à mes élèves comment tirer partie de leur répertoire personnel de connaissances et de repères culturels. Je leur apprendrais à les crititquer et à les commenter avec leur propre interprétation élaborée sur des critères précis. Je leur apprendrais l’autonomie et la confiance parce que ça en prend aussi de la confiance pour se prononcer sur un texte résistant voire hermétique quand ce n’est pas hors de leur portée comme le texte baroque que vous aviez soumis à vos élèves. Mais comment nos élèves peuvent-ils apprendre à le faire si personne ne le leur apprend?

 

PFEQ p. 1

L’enseignant doit les amener à établir des liens entre les apprentissages qu’ils font dans des situations diversifiées, à choisir les démarches les plus appropriées et à prendre l’habitude de réinvestir leurs acquis dans un large éventail de contextes scolaires et extrascolaires. Il doit également les amener à trouver un juste équilibre entre les ressources documentaires et littéraires de la bibliothèque, les rencontres avec des personnes qui exercent différentes fonctions et l’utilisation de l’ordinateur et d’Internet.

 

«Le mot n’est pas le sens», dit souvent Britt-Mari Barth. Ainsi, Web 2.0 ou web social renvoie à un concept bien précis, car il existe aussi le web 1.0 (web passif) et le web 3.0 (web sémantique) désormais. J’ose espérer que vous connaissez la différence sinon il y a Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0 D’autre part, le fait d’utiliser l’expression ne confère aucune expertise technopédagogique! Cela vise simplement à préciser dans quel paradigme on se situe.

 

Ce qui doit s’imposer à l’école, c’est une révolution de la façon d’enseigner et d’apprendre. En cela, les outils du 2.0 apportent un soutien. Ils ne sont pas la finalité. Ils ne sont que des outils comme tant d’autres outils qui ne sont pas technologiques pour mieux développer des compétences en lecture, en écriture et en communication orale, pour acquérir des connaissances, construire sa vision du monde et son identité.

 

Vous trouvez mes propos diffamatoire parce que j’emploie des termes comme «manque d’éthique» ou encore «malhonnêteté intellectuelle». Cependant,  ce sont ceux-là précisément qui conviennent à votre geste parce qu’il existait bien d’autres façons, et constructives, et engageantes pour faire prendre conscience du problème à vos élèves. Nous sommes tous confrontés au phénomène du copier/coller car l’information est très accessible. Cela induit que notre rôle d’enseignant doit tenir compte du contexte dans lequel nous enseignons. Le nier, c’est nier la société, le monde, le rapport au monde qui inclut le rapport au savoir, car l’école a pour mission d’y préparer nos jeunes.  Au Québec, les enseignants possèdent un référentiel de compétences professionnelles. Je vous invite à prendre connaissance de la compétence 12 Agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions.

 

D’autre part, j’ai relaté l’expérience de la prépa littéraire pour souligner l’absurdité de l’exercice qui m’était imposé à moi et aux autres. C’était un exemple, vous savez le procédé qu’on utilise comme étayage dans une lettre d’opinion. Je ne sais pas si vous êtes passé par le tordeur des classes préparatoires. Moi oui! Je me souviens des techniques de survie que nous (je dis bien NOUS, car je n’étais pas la seule à user de stratagèmes pour survivre au rythme et aux exigences. Personne ne dort en classes prépa sauf le matin dans les cours de philo pour rattraper quelques heures de la nuit passée à bûcher!) Pour preuve cette lettre écrite par une jeune normalienne récemment. J’aurais aimé que cet enseignant de latin au lieu de nous bombarder de textes à traduire sans aucun soutien nous modélise comment faire une bonne traduction, nous fasse comparer des traductions et nous montre pourquoi telle ou telle traduction était meilleure qu’une autre. Au bout du compte, j’aurais sûrement été capable de traduire par moi-même en y trouvant du plaisir, car j’aurais développé une confiance en mes capacités qui m’aurait détournée de l’envie de chercher ces aides dans les traductions retirées du circuit par ce prof si bienveillant et si déterminé à m’apprendre à penser… SEULE!

 

Les élèves n’ont pas davantage raison de tricher que vous avez le droit de les piéger. Éduquer, ce n’est pas ça. Je ne cautionne pas leur attitude, je la trouve simplement justifiée vu le contexte peu signifiant de la tâche pour eux. Il faudrait questionner la pertinence de maintenir l’examen tel qu’il est et vérifier ce qu’il valide pour vrai… À mon sens, certainement pas la capacité à lire.

 

Le web ne pousse personne à faire quoi que ce soit. Vos élèves trouvent des réponses en ligne parce que les questions qu’on leur pose sont «googlables»! Elles ne sollicitent ni leur créativité ni leur jugement critique. Posez une question dont la réponse demande recoupement d’informations, décryptage de l’inférence, analyse des énoncés, des objets, comparaison, etc. Bref, cela. Vous verrez la différence!

 

Dernière précision : j’ai travaillé à la validation des programmes de français et à la progression des apprentissages au Ministère de l’Éducation du Québec. J’ai ensuite travaillé à l’implantation et l’accompagnement dans le milieu de ces documents ministériels prescriptifs. Les exemples que je citais de nos programmes de français sont des exemples en contexte d’apprentissage et non d’évaluation.

 

Enfin, je me considère encore une élève, encore une apprenante active dans une communauté d’apprentissage qui est connectée par la technologie et qui s’alimente grâce à la technologie. Je n’ai jamais autant appris que depuis que je suis en réseau avec des centaines de professeurs à travers le monde et je travaille chaque jour à ce que ce réseau s’aggrandisse, se solidifie et joue un rôle dans la réussite des jeunes qui nous sont confiés.

 

Nathalie Couzon

 

 

Lié à: le col des contrebandiers.

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Réussite scolaire et compétence, un autre point de vue

7 mars 2011

«Comparaison n’est pas raison», dit l’adage populaire. Je vais pourtant commencer par une comparaison parce que le passé peut nous éclairer ou nous donner certains arguments pour mieux réfléchir.

Vers 1450, Gutenberg invente l’imprimerie. En 1492, Christophe Colomb découvre l’Amérique. La même année, De Vinci dessine l’homme de Vitruve. En 1508, Michel-Ange débute la fresque du plafond de la Chapelle Sixtine et, pendant plus d’un siècle, les souverains français érigent des châteaux fabuleux dans la douceur angevine chère à Du Bellay. Il y a cet imaginaire romantique et merveilleux qui entoure la Renaissance et il y a surtout une époque exceptionnelle dans l’histoire de l’humanité, temps de grandes découvertes, temps de mutations importantes qui redéfinissent les limites du monde connu et le placent en rupture avec le passé médiéval : progression des connaissances et des méthodes scientifiques, innovations technologiques, découverte de civilisations et de peuples inconnus, représentation nouvelle de l’espace physique, nouvelles donnes économiques et politiques, accélération des échanges, émergence des langues nationales, guerres de religion, etc. Le monde est changeant, le monde n’est plus plat, le monde est autre. Certains comme Montaigne, comme Rabelais, pour ne citer que deux grands penseurs de la littérature française, en profitent pour réfléchir à la place de l’homme dans ce grand brouhaha. Sensibles à la variation, au mouvement perpétuel des choses et des pensées, ils s’interrogent. Vous me voyez venir avec mes gros sabots? Ils se questionnent entre autres sur l’éducation, sur la cohérence du système en place. Que faut-il enseigner? Comment le faire? Quelles sont les pratiques pédagogiques pertinentes? Comment intégrer l’école à ce monde qui n’a rien de commun avec ce qu’ils ont connu, ce monde qui devient sous leurs yeux?

Aujourd’hui, cinq siècles nous séparent de la Renaissance et ce que nous avons en commun avec cette époque, ce sont les profonds changements que nous vivons et les questions que nous nous posons sur ce qui doit être réalisé, ajusté, modifié, conservé pour ne pas aggraver les tensions et enclencher une rupture radicale voire un séisme avec ce monde qui n’attend pas, lui! Je me suis déjà penchée sur la question de l’urgence de réagir à mon retour de Clair2011. Ce matin, en lisant l’opinion d’un prof de français, publiée il y a quelques jours, je poursuis ma réflexion. Je pense que cet enseignant se trompe de cible, comme bien d’autres avant lui d’ailleurs, dans son analyse des faits et de la situation. J’aimerais simplement nuancer ses propos et apporter certaines corrections dans le dossier très chaud de la réussite scolaire.

Il y a un malaise certes, mais le malaise vient de comparer une réforme à une solution miracle. Le malaise vient d’attendre une décision ministérielle pour espérer un changement. Le malaise vient de considérer le renouvellement des pratiques pédagogiques comme des tendances – à quand le défilé des pédagogues? Le malaise vient de colporter des préjugés, des propos sans fondement, des lieux communs, démagogiques sous prétexte qu’on est un enseignant d’expérience et qu’on sait comment ça se passe dans le milieu, alors on sait de quoi on parle quand il s’agit d’éducation, sous prétexte qu’on est des parents et qu’on sait ce qui est bon pour nos enfants, alors on sait de quoi on parle quand il s’agit d’éducation, sous prétexte que, dans le temps, on écrivait mieux, alors on sait…. , sous prétexte qu’avant c’était pas mal mieux que maintenant, alors… sous prétexte que… Alignez-en des raisons pour avoir le droit à la tribune en matière d’éducation : elles sont toutes bonnes…

Pour ma part, j’ai une autre opinion, bien différente de ces discours négatifs, toujours identiques d’ailleurs, désignant toujours les mêmes responsables, à croire qu’il y a une sorte de police secrète destinée à relancer des débats stériles pour ne pas parler des vraies affaires. Alors, permettez-moi de renverser la vapeur parce que j’en ai plus qu’assez que soit valorisé ce genre de discours plutôt que les bons coups, les réussites, l’accompagnement et la réflexion pédagogiques de très haute qualité réalisés par des professionnels engagés et compétents et, supportant le tout, la plus-value qu’apporte une bonne compréhension des programmes et des documents ministériels comme la Progression des apprentissages.

Comme des recherches universitaires à l’échelle internationale se préoccupent des facteurs de réussite scolaire et que ma communauté (merci Twitter) me nourrit constamment des nouveautés en la matière, je me permets d’utiliser leurs conclusions qui, n’en déplaise à tous les détracteurs de la réforme et du changement en général, réfutent un par un les points avancés par Monsieur Lévesque dans son billet.

D’une part, depuis 1989, les statistiques et les études, partout dans le monde, prouvent que le redoublement n’a jamais été une solution efficace d’où la motivation de penser les apprentissages en terme de progression sur des cycles et de compétences transversales entre les disciplines et non en contenus enfermés dans des silos non-communicants.

D’autre part, même si on a fermé la grande majorité des «classes spéciales», en intégrant les élèves à besoins particuliers dans des classes régulières, on a créé d’un autre côté des programmes particuliers (PEI et autres parcours spéciaux contingentés par les résultats académiques) qui excluent les élèves en difficultés, recréant ainsi un système à plusieurs vitesses. On constate alors des écarts démesurés dans les écoles sur un même niveau, ce qui rend encore plus complexe et moins équitable la tâche des enseignants obligés de composer avec des réalités extrêmement différentes d’un groupe à l’autre, sans pour autant être suffisamment outillés pour y faire face. Enseigner selon un modèle, c’est une utopie,  car l’enseignement doit s’adapter à tous, et non l’inverse, et pour cela il faut accompagner les enseignants à négocier ces écarts, les aider à différencier pour donner aux élèves la chance de réussir.

Le clou du billet repose dans cette affirmation péremptoire qui tombe comme une condamnation implacable. Je cite : «Et on a mis en oeuvre la fameuse «réforme» qui a fait régresser les élèves, tant au niveau des connaissances acquises que des compétences, si on les compare aux élèves qui n’ont pas eu à subir cet autre changement idéologique.» Cependant, le 9 décembre 2010, ont été publiés les résultats de ces jeunes «réformés» aux tests du programme PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de l’OCDE en matière de réussite sur le plan international en lecture, en mathématiques et en sciences. Et pour faire un pied de nez à ceux qui attendaient l’occasion pour achever le renouveau pédagogique, nos jeunes du Québec se sont classés dans le peloton de tête : premier rang en mathématiques au Canada et deuxième dans le monde occidental, après la Finlande; 4e rang au Canada en sciences et 13e (sur 65 pays) à l’échelle internationale et, pour ce qui est de la capacité de lecture et de compréhension, un 6e rang au plan mondial et un 2e en Occident (toujours après la Finlande). Mais plus remarquable encore… le Québec se classe au premier rang dans le monde francophone, devant la France, la Belgique et la Suisse! Vous me direz que ces résultats ne valent rien, qu’ils évaluent d’une façon biaisée, qu’au bout d’une dizaine d’années de réforme, ces résultats ne prouvent qu’une chose, c’est la stagnation.  Toutefois, ce que ces résultats prouvent, c’est la fausseté de l’argument avancé par Monsieur Lévesque puisque nos jeunes ne sont pas moins connaissants ni moins compétents que ces générations bénies des dieux, celles d’avant les dommages du socioconstructivisme…

Autre mythe : celui de l’élève moyen, régulier… Ça existe? Faut-il comprendre ici qu’on recherche un type idéal d’élève, un joli moule dans lequel le maximum cadrerait? Est-ce la volonté de faire pareil pour tous sans tenir compte des différences de chacun ? Que tous fassent au même moment les mêmes tâches que propose un matériel didactique rarement remis en question, pour être sûr de ne pas s’égarer dans un programme dont on laisse à d’autres l’interprétation…?

Autre croyance : le programme serait la cause, le grand responsable du mortel ennui qui frappe les élèves dans nos salles de classe? «Ah, comme la neige a neigé», soupirent-ils en comptant les flocons… désespérés d’attendre que quelque chose de signifiant se produise… N’écoutant que mon courage, mue par une audace subite, je saisis donc mon programme : aucune torpeur, aucun engourdissement de mon esprit, aucun baillement…. serais-je insensible aux effets soporifiques des programmes de formation de l’école québécoise? Poussant l’audace un cran plus loin, je l’épluche page après page, et partout je trouve des indices pour m’aider à planifier l’enseignement et les apprentissages, autant d’éléments à articuler comme les familles de situations, les composantes de la compétence, les stratégies et les processus sollicités, les notions, concepts et repères culturels (ce sont trois mots synonymes de connaissances au cas où vous ne l’auriez pas deviné). Alors, quand je lis dans le programme de français, deuxième cycle du secondaire, à la page 17, les précisions sur le rôle de l’enseignant, à savoir «varier et différencier les approches en offrant des modalités de travail et des tâches qui stimulent l’intérêt, font appel à des stratégies différentes, tiennent compte des diverses façons d’apprendre et sollicitent la capacité d’adaptation des divers types d’élèves», en quoi cela est-il si différent que d’enseigner selon les besoins réels des élèves?

En outre, pourquoi opposer réussite scolaire et compétence, sous-entendant que le seul objectif des enseignants est de rendre les élèves compétents, instaurant une scission entre réussite scolaire et compétence? John Hattie, un universitaire néozélandais, a patiemment compilé pendant 15 ans plus de 50 000 études concernant des millions d’élèves et a publié en 2009 une synthèse de toutes ces méta-analyses dans laquelle il liste les facteurs qui influencent la réussite des élèves. Sans présenter de nouveautés intrinsèques, cette liste a le mérite d’identifier les pratiques dans les milieux scolaires. Elle permet aussi de faire la guerre aux discours de Pharisiens entendus dans la presse et certains salons du personnel scolaire. Il va sans dire aussi que privilégier une seule pratique de la liste ne suffirait pas à influencer la réussite du plus grand nombre, mais combiner plusieurs pratiques efficaces, avec l’appui de la formation et une réflexion partagée au sein d’une équipe pédagogique engagée, serait sans aucun doute le gage d’une amélioration des performances pour tous les élèves.

Voici les quinze pratiques les plus performantes :

  1. La mise en œuvre d’une évaluation formative
  2. La clarté du discours de l’enseignant
  3. La rétroaction apportée aux élèves
  4. Les relations entre l’enseignant et les élèves
  5. Les stratégies de méta-cognition
  6. L’auto-verbalisation et l’auto-questionnement des élèves
  7. Le développement professionnel des enseignants
  8. La résolution de problèmes dans la classe
  9. La mise en œuvre d’une stratégie pédagogique
  10. L’apprentissage coopératif entre élèves
  11. L’étude précise des compétences des élèves
  12. La séquence d’enseignement planifiée par étapes
  13. Le travail des élèves à partir d’exemples concrets
  14. La fixation d’objectifs précis aux élèves
  15. Le tutorat par les pairs dans la classe

Enfin, pourquoi recourir aux TIC, ces ressources qui sont prescriptives dans le programme pour développer les compétences, notamment en français, pour «trouver, valider et partager de l’information, pour concevoir, réviser et diffuser des productions orales et écrites, pour entrer en communication avec des destinataires authentiques et variés»? Bref, pourquoi faire de l’école un milieu qui soit en harmonie avec le monde dans lequel sont nés ces jeunes de la génération C? Pourquoi rendre signifiants leurs apprentissages et faire comme dans la vraie vie?  Pourquoi se questionner sur les pratiques pédagogiques quand les bonnes vieilles méthodes ont fait leurs preuves? «J’ai bien réussi, moi, alors pourquoi pas eux…?» Le recours aux technologies sert-il réellement à pallier des faiblesses, des incompétences, à biaiser la réussite de l’élève ou plutôt à prouver la capacité à mobiliser des stratégies et des ressources efficaces pour devenir compétent? Tandis que cellulaires, Internet, iPod, etc. sont maîtrisés dès leur plus jeune âge  par nos élèves, dois-je comprendre que le malaise qu’exprime cet enseignant est sa difficulté à maîtriser les TIC et à les intégrer de façon signifiante dans son enseignement? L’unique déchirure que je perçois, ce n’est pas le fossé entre les élèves, mais plutôt l’abîme entre l’enseignant et ses élèves…

En guise de conclusion, je terminerai sur une note positive parce que je suis très confiante dans ces jeunes que notre système forme. Je suis intimement persuadée que le cheminement qui leur est offert dans leurs parcours scolaires feront d’eux des adultes responsables et compétents, dotés de jugement critique, capables de douter et de remettre en question les pratiques éculées, considérant l’erreur comme un levier à l’apprentissage, au progrès de la connaissance et des savoir-faire et non comme une faute honteuse, des adultes ouverts à la nouveauté et capables de s’adapter aux changements, se servant de tout ce que le monde leur met entre les mains pour collaborer, partager, travailler, créer, soigner, inventer, réparer, penser, bref…  réussir.

Lié à: le col des contrebandiers.

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