En attendant que la neige fonde…

6 avril 2015

Je ne sais pas pour vous, mais la dernière offensive de l’hiver en fin de semaine (je croise les doigts pour ce soit la dernière) m’a littéralement achevée. Okay, c’est plus beau une couverture d’un blanc immaculé que la sloche et les bancs de neige grisâtres… Cependant,  un 6 avril après plus de six mois de neige et de frette, j’ai le droit d’espérer un autre refrain que celui de Soir d’hiver sans avoir à imaginer toutes sortes de variations sur le sujet comme André Sauvé pour oublier  le spasme de vivre du plus long hiver que j’ai connu depuis mon installation au Québec.


Andre Sauve – La Poesie par justepourriremontreal

Dimanche soir, peut-être à cause du beau soleil et d’une trop grande exposition au magnésium, chasse aux cocos oblige, j’ai cru que  le congé de Pâques avait sonné le glas de cet hiver interminable et qu’avril serait radieux, chaud et la neige, histoire du passé. Voulant confirmer mon intuition qui ne me trompe jamais, je suis allée naviguer sur le site de Météo Média pour connaître les prévisions du mois à venir. Ô rage! Ô désespoir! Ô hiver ennemi!

«Après trois mois consécutifs sous les normales de saison, avril 2015 ne semble pas vouloir renverser la tendance. Mis à part une brève intrusion de chaleur à mi-parcours, le mois d’avril s’annonce frais. Seuls les audacieux pourront profiter des terrasses à cette période cette année. Les températures resteront sous les normales saisonnières en premier lieu. Une poussée de douceur pourrait se frayer un chemin à la mi-avril, avant de céder de nouveau sa place à du temps frais. Selon Réjean Ouimet, météorologue et présentateur à MétéoMédia, la douceur prolongée aura du mal à s’installer, d’autant plus que le Québec accuse environ deux semaines de retard au point de vue météo sur la moyenne. Les perturbations pourraient ainsi se manifester davantage sous forme de neige et habituellement en avril sur l’ensemble de la Province, il tombe entre 10 et 40 cm de neige.»

À la lecture de ces mots, mon moral accusa le coup! C’en était trop! Je décidai que, pour aider le printemps et l’apparition de la verdure, il fallait créer un élan collectif qui ne manquerait pas de réchauffer l’air et de faire fondre cette neige plus rapidement que les météorologues ne le prévoyaient.

Voici donc le défi auquel je vous convie : conjuguons nos efforts et créons collectivement une ode au printemps sur Twitter pour faire un pied de nez à la froidure et faire mentir les prévisions météos. J’ai choisi 28 photos* en ayant en tête ce début de phrase : en attendant que la neige fonde… et en espérant que le chiffre du plus petit mois de l’année, celui du mois de la Twittérature, sera de bon augure. Il vous suffit de choisir une de ces photos et d’écrire un tweet qui, tout en rendant compte de ce que l’image vous inspire, complètera la phrase «en attendant que la neige fonde…». Il n’est pas nécessaire de citer ce début de phrase dans votre tweet. Par contre, il faudra y intégrer la balise #eaqlnf (réduction acronymique de #EnAttendantQueLaNeigeFonde) pour me permettre de récupérer facilement tous les tweets du défi. Il faudra également ajouter le # de la photo que vous choisissez de commenter. Il est inscrit à côté de la photo.

 

Au plaisir de vous lire et que fonde la neige!

 

* Pas besoin d’une psychanalyse en règle pour expliquer le choix des 28 photos : hasard et coup de coeur sont les seules justifications. 🙂

 

Lié à: le plateau de Beauregard.

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L’invitation au voyage

17 avril 2011

Au terme de l’aventure collective du roman sans E, je prends quelques minutes pour faire le bilan de cette expérience de création, de collaboration et de plaisir. Vous pardonnerez le coq-à-l’âne de mes propos, ma pensée ne sera pas forcément très organisée… mais le temps me manque pour faire mieux.

Avant tout, je tiens à remercier Monique Le Pailleur (alias @Aurise sur Twitter) d’avoir eu cette idée, il y a six semaines et de m’avoir lancé cette invitation au voyage, voyage qui m’a plongée dans l’imaginaire des uns et des autres, voyage qui m’a fait vivre toutes sortes d’émotions, voyage qui m’a fait découvrir du pays et des cultures, voyage durant lequel j’ai beaucoup appris, et pas seulement sur le plan cognitif, mais aussi personnellement sur le plan humain. Je tiens aussi à remercier André Roux pour le choix des illustrations dans la publication numérique du roman. Enfin, je remercie chaleureusement toutes les personnes qui ont mis leur grain de sel dans Tourbillon puisque c’est le titre que porte désormais le récit publié sous le croisillon #romansansE sur Twitter :

@Aurise @AndreRoux @machinaecrire @georgesgermain

@nanopoesie @nathcouz @marteaudeux @marcottea @ JeanDore

@LiseLePailleur @Forgasm @dawoud68 @gtouze @sstasse

@jmlebaut @AlexRiopel @GilbertOlivier @julienllanas @AndreeCaroline

@JF_Giguere @gleblanc007 @kiwibruissant

@Lectrices_City @LesMetiers_net

Dans cette expérience où l’interaction entrait en jeu, même virtuelle dans ce cas-ci puisque certains co-auteurs du roman étaient pour moi des inconnus (je veux dire par là que je ne les ai jamais rencontrés pour vrai et que je ne connais d’eux que les quelques mots qui les présentent sur leur profil Twitter), j’ai été sensible à certains points qui relèvent de plusieurs ordres.

Le premier a modifié mon regard sur la création littéraire : la participation à l’écriture du roman m’a permis d’observer ce qui se passait dans le processus de création à plusieurs et j’en tire quelques observations sur le principe de négociation.

Une négociation sur la logique du récit

Il va de soi qu’en participant à l’écriture de ce roman, je m’étais fait un scénario dans ma tête de ce que pourrait être ou devenir l’histoire. J’ai eu la chance de pouvoir ouvrir le chapitre 2. J’avais alors imaginé un déroulement possible du récit à cet instant où je publiais le tweet qui initiait ce chapitre. J’avais prévu des péripéties même si tout cela n’était encore qu’embryonnaire et flou dans mon esprit. Je désirais que le récit aille là où MOI, je voulais le mener. Mais je n’étais pas seule dans cette aventure, et mes ambitions tyranniques ont été calmées bien vite. L’auteure, ce n’était pas MOI, c’était NOUS, c’était moi et les autres ou les autres et moi! Dilemme existentialiste… Bienvenue dans le monde de Huis Clos, car il fallait compter avec ces autres dont la personnalité, le style, le bagage culturel, etc. différaient des miens et avec lesquels je devais composer, auxquels il fallait que je me plie parfois, ne comprenant pas pourquoi  ils orientaient le récit dans telle ou telle direction, maugréant contre certains que j’accusais – à tort – de ne pas comprendre la personnalité d’un personnage ou d’insérer des péripéties saugrenues qui cassaient MON idée du récit. J’ai donc appris à lâcher prise. Une image s’impose à mon esprit tout à coup et je pense qu’elle traduit bien ce que j’essaie de verbaliser : il s’agit du roseau. Je me sentais comme un roseau, de plus en plus flexible au fur et à mesure que l’histoire progressait.

Je cherchais à utiliser les propositions des autres pour stimuler mon imaginaire et non plus plaquer ce que j’avais imaginé sans le concours d’aucun. Cela m’obligeait à aller plus loin, là où je ne serais jamais allée sans celles et ceux qui contribuaient à édifier le récit. J’apprenais ainsi à mettre ma créativité au service de l’histoire et non pas au service de mon égo. Quelle belle expérience d’humilité et surtout quelle richesse que ce partage et cette collaboration qui étaient d’autant plus difficiles à gérer que l’interaction ne se produisait que via les tweets, sans contact entre les personnes, donc sans possibilité de discuter entre nous de là où le récit pouvait aller ou… ne pas aller! Même si cela peut être considéré comme un inconvénient à cet égard, il reste que l’absence de communication et d’entente entre les co-auteurs a aussi créé des effets de suspense, d’attente et de surprise très appréciés.

Une négociation sur la matière du récit

Un roman, ce n’est pas que des mots qui s’alignent sur une page. Pour que les mots vivent, ils doivent s’incarner. Des personnages prennent donc vie et font que l’histoire prend tout son sens. Ce qui m’a fascinée dans l’écriture du roman, c’est la difficulté de mettre de la chair autour de ces personnages créés par les différents participants d’une part à cause de la contrainte de l’absence de la lettre E : il était très difficile, notamment, de qualifier le personnage féminin en raison de la règle d’accord en français. Cela obligeait à explorer d’autres avenues pour travailler la caractérisation, qui souvent malheureusement achoppaient ou étaient insatisfaisantes à mon goût.  D’autre part, la difficulté de caractériser les personnages était renforcée par le principe de co-écriture : j’ai une image très précise dans ma tête de qui sont Yorik, David, Lora, Nicolas et Arnaud. mais qui étaient-ils dans l’imaginaire des autres ? Comment concilier et faire coïncider ma vision et la leur? Comment créer aussi la cohérence des personnages quand aucune négociation sur ce qu’ils sont n’est possible autrement que par le truchement des gazouillis que chacun ajoute dans le roman? Fallait-il arriver à une certaine entente pour assurer la pérénnité des personnages ? Comment y parvenir? Tout en écrivant et en insérant ma vision des choses  et des personnages dans chacun de mes tweets, je me questionnais sur ce qu’ils allaient produire comme effet chez les autres auteurs : comment recevraient-ils mes idées et comment les exploiteraient-ils? Feraient-elles écho dans leur imaginaire ou sombreraient-elles dans un abîme?

Jeu et plaisirs de l’écriture

Outre les processus de création, je me suis laissée prendre au jeu et au plaisir que m’a procuré l’écriture du roman. J’aimais le matin voir où en était rendu le récit, quels éléments avaient été ajoutés par ceux qui, de l’autre côté de l’Atlantique ou durant leurs insomnies, écrivaient pendant mon sommeil. Parfois, une idée surgissait à la lecture des rebondissements apportés dans l’histoire et j’avais hâte de pouvoir insérer cette idée. Je me dépêchais alors de traquer et éliminer les E interdits pour vite publier à la suite de ce que j’avais lu et ce qui m’avait inspirée. Les quelques E que j’ai laissé passer sont d’ailleurs le résultat de cette hâte où j’ai négligé la relecture…

J’ai aussi vécu un autre plaisir, celui du partage autour des mots, de la langue, bien entendu avec tous les co-auteurs du récit, mais l’expérience qui fut pour moi la plus riche, ce fut quand mon fils de 7 ans, me voyant le regard perdu à la recherche de mots sans E pour continuer le récit, et lisant au-dessus de mon épaule le tweet que j’étais en train de rédiger, m’interrogea: «Qu’est-ce que tu fais, maman?

– Je cherche des mots dans lesquels il n’y a pas de E.

– … Pourquoi tu fais ça?

– Avec des gens sur Twitter, on écrit un roman et on n’a pas le droit d’écrire des mots qui ont des E.

Mon fils lit la phrase que j’étais en train d’écrire (il s’agirait de la dernière phrase du chapitre 5) : «Un garçon qui aurait pour nom..» et il poursuit : «Arnaud! Tu n’as qu’à l’appeler Arnaud, il n’y a pas de E dans Arnaud!» Sourire de satisfaction du fils et… de la mère 😉

Je le félicite et j’inscris sa proposition dans la suite du gazouillis. Et puis, parce que j’ai vu l’étincelle de fierté qu’il y avait dans ses yeux à m’avoir aidée à écrire, je lui ai demandé de continuer : «Comment il est Arnaud? À quoi il ressemble?»

– Rigolo! rétorque-t-il du tac au tac. Et, en plus y a pas de E!

– Yeah! Super. On ajoute rigolo.»

Et là je me suis dit que le bonheur existait vraiment! Mon fils a plongé dans son imaginaire et, dans le grand bassin où nageaient tous les mots qu’il connaît et utilise, il est parti à la pêche pour en trouver qui n’avaient pas de E et qui lui permettraient de faire le portrait de ce bébé qui était né dans le récit. Ça lui a pris deux secondes pour rectifier une proposition quand il s’est aperçu qu’il y avait là deux E. Il voulait que son Arnaud ait les cheveux blonds, alors avec une candeur superbe, il a conclu : «Non, pas cheveux, il y a des E, on va dire poils, poils blonds, ça marche!» Nouveau sourire de  la maman 🙂

Je lui ai donné ensuite un synonyme de bébé avec «poupon», ce qui lui a permis d’apprendre un nouveau mot et d’enrichir son vocabulaire. Et il a finalement proposé les adjectifs grand, coquin, gros et moi j’ai ajouté costaud en organisant les informations pour le résultat final suivant : «Un garçon qui aurait pour nom Arnaud, gros poupon aux poils blonds, grand, costaud, coquin, rigolo. » Bref,  j’étais aux anges…

Ce que j’ai trouvé de merveilleux dans cette complicité créée autour d’une phrase, d’un défi, d’un jeu, c’est qu’elle m’a permis de partager un de mes plaisirs favoris avec mon fils : écrire, jouer avec les mots, laisser libre cours à notre imagination, nous amuser, créer. Pour moi, ce fut magique et ça n’a pas de prix.

J’ai aussi pu constater la richesse de cet exercice sur le plan pédagogique. Si mon fils avait trouvé du plaisir à ce jeu, pourquoi ne pas l’imaginer se reproduire dans une salle de classe à plus grande échelle? Pourquoi ne pas penser exploiter l’outil en ciblant des apprentissages ciblés qui trouveraient tout leur sens et leur signifiance dans cet acte ludique et exigeant? Pourquoi ne pas repenser la classe de français comme un laboratoire de création qui engagerait, j’en suis persuadée, bien davantage les élèves dans leurs apprentissages?

En conclusion, dans Littérature, je trouve  «Lis tes ratures» et aussi «Lie tes ratures». Je pense que, durant ces six semaines qu’a duré l’aventure du roman sans E, nous avons souvent raturé, nous avons beaucoup lié, nous avons finalement créé avec ces ratures et ces liens un tourbillon, un mouvement qui, j’espère, en générera d’autres.

Lié à: la pointe de Tardevant.

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