Au hasard de mes pérégrinations sur le net, j’ai trouvé cette phrase : «If there’s a tsunami coming, start swimming with the current.» J’aimerais rendre hommage à son auteur, mais j’ai oublié de noter le lien de la page où j’avais trouvé cette citation mais, une fois n’est pas coutume, on me pardonnera de ne pas référencer ma source ! Cette phrase qui a des airs de proverbe me semble tout à fait appropriée pour représenter ce que j’ai vécu durant ma fin de semaine au Nouveau-Brunswick à la non-conférence de Clair2011 : j’ai nagé dans le sens du courant. Et je n’ai pas nagé seule, mais avec plus de trois cents personnes (334 pour être précise) qui ont, de près ou de loin, durant deux jours et demi, uni leurs pensées et leurs convictions pour se diriger vers un objectif très clair – sans jeu de mots 😉 – : promouvoir un autre regard sur l’éducation.
Voir l’éducation autrement, c’était d’ailleurs l’ambition de cet événement, et je crois qu’on peut dire mission accomplie et applaudir Roberto Gauvin (@gauviroo sur Twitter) et son équipe dynamique pour avoir voulu de nouveau réunir, dans ce petit village de la Vallée du Haut-Madawaska, à 30 minutes d’Edmunston, une brochette aussi variée de personnes intéressées à réfléchir sur l’école en transformation : des conférenciers du Québec avec Mario Asselin, François Guité et Sébastien Paquet, de l’Europe avec Daniel Pereya et Laurence Juin, des participants venus de toutes les régions du Québec, de l’Alberta, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick qui ont animé des ateliers durant toute la journée du samedi sur des sujets fort intéressants et, grâce à Twitter et la balise #Clair2011, un rayonnement au-delà des frontières.
Dans la perspective de changement qui a animé ce rassemblement technopédagogique, il a été fait la preuve à chaque instant que les technologies et les outils du Web 2.0 donnaient du sens aux apprentissages réalisés par les élèves à l’école, les rendaient stimulants, dynamiques, facilitaient le partage, le réseautage, la coconstruction. Je me promenais dans les salles de classe et j’allais de surprise surprise, impressionnée non seulement par ce que les jeunes accomplissaient, mais aussi par leur capacité à m’expliquer avec une aisance toute naturelle ce que l’intégration des technologies avait changé dans leur vie d’écoliers et dans leur vie en général. «Je ne suis plus gênée de parler en public, m’affirmait la jeune animatrice de la station TV de l’école, car apprendre à animer des émissions m’a permis de savoir comment prendre la parole. Maintenant que je sais comment faire, c’est facile pour moi de communiquer.»
Idem pour ces jeunes de 6e année installées autour des micro de la radio scolaire qui m’expliquaient comment elles choisissaient l’information sur Internet pour élaborer leur bulletin de nouvelles et que leur mentor dans ces apprentissages avait été… un élève de 8e année, familier avec la technique et très bon pédagogue sans aucun doute pour avoir su transférer à de plus jeunes ses compétences en la matière! La technologie se doublait ici d’une autre dimension palpable dans les interactions entre tous les intervenants de cette petite école du Nouveau-Brunswick, la force de la collaboration, la puissance de la communauté d’apprentissage. Je voyais se concrétiser sous mes yeux ce que le programme de français au Québec avait pensé pour ses finissants du secondaire : autonomie, engagement et pouvoir d’action. Ces jeunes guidés par des enseignants motivés étaient «placés dans des situations qui les amenaient à explorer, à s’impliquer et à se dépasser. Chacun, à la mesure de ses possibilités, trouvait dans l’action une source de réalisation personnelle et de valorisation.» (p.13 à 15, PDF, français, 2e cycle secondaire). Et savez-vous quoi? Ils se surpassent, ils sont fiers, ils ont les yeux qui brillent, ils sont tellement confiants qu’ils sont une vingtaine assis en avant de la scène durant les conférences ou dans les ateliers du BarCamp le samedi à twitter allègrement, à commenter, à apprécier, à questionner et à vivre pour vrai cette conscience citoyenne que le «Vivre ensemble et citoyenneté» de l’école québécoise présente comme un des cinq domaines généraux de formation pour contextualiser les situations d’apprentissage. Alors oui, c’est possible d’y croire puisque le CAHM l’a fait!
Voir l’éducation autrement, c’est aussi construire des passerelles, des liens et ceux créés par une rencontre comme Clair2011 valent leur pesant d’or. J’ai rencontré pour la première fois nombre des membres de ma twittosphère avec qui j’échange et je partage au quotidien. Là, durant deux jours et demi, j’avais la chance d’apprendre de leurs expériences et aussi de socialiser avec eux dans une ambiance conviviale. Parce que Clair, c’est également cela : une ambiance chaleureuse où j’ai pu plaisanter avec Laurence Juin sur les tounes quétaines de Joe Dassin, faire une descente dans le bocal de Jelly Beans avec Andrée Marcotte, me moquer gentiment de Sylvain Bérubé kodak ou/et clavier à la main ou encore apprécier les nuances de l’accent acadien avec Jacques Cool. J’avais la chance de pouvoir dépasser 140 caractères pour construire avec eux comme durant le trajet entre Québec et Clair où, avec Stéphane Brousseau et Hélène Seguin, j’ai eu l’occasion de discuter et de réfléchir sur les raisons qui motivaient notre engagement, sur les actions à poser pour que notre système éducatif cesse de nager à contre-courant et accepte de considérer l’impact que ces technologies ont déjà sur nos jeunes, sur notre monde et sur nos façons d’apprendre, de communiquer, d’entrer en relation avec les autres, de créer du contenu, bref d’exister dans cette époque qu’est le 21e siècle. Nos propos étaient passionnés et, dynamisés, fébriles, gagnés par l’énergie intense des échanges vécus durant la fin de semaine, nous avons imaginé notre futur pédagogique qui n’aurait plus rien en commun avec cette vision passéiste de l’éducation que dénonce Sir Ken Robinson dans le clip Changing Education Paradigms. Nous avons rêvé que l’avenir ressemblerait au mur des gazouillis de Clair2011 où, comme le dit Andrée Marcotte dans sa rétrospective sur le Wiki de Clair2011, «le sens des conférences se construisait en collaboration, où tous les documents pertinents étaient déposés avant même que l’évènement soit achevé.»
Alors, doit-on attendre que le rouleau déferle, que le tsunami nous percute? Doit-on attendre de boire le bouillon et d’être tellement dépassés par ces jeunes qui, comme le prouve Catherine Lapointe dans son film, sont prêts et nous invitent à surfer sur la vague en leur compagnie? Doit-on refuser de croire, selon les mots de François Guité, que si l’école ne sait pas intégrer les technologies, les technologies sauront intégrer l’école…? Le projet de déClairation élaboré au cours de l’événement affirme le contraire.
J’ai envie de conclure par ces mots de Bertrand Tavernier avec lesquels François Guité avait ouvert sa conférence et qui ont donné le ton à nos échanges : «Les enfants ne ressemblent pas à leurs parents. Ils ressemblent à leur époque.» Saurons-nous offrir à nos enfants une école qui sera de leur temps ? Je le souhaite avec ardeur et impatience.
Le titre du billet est une générosité de Sylvain Bérubé qui m’a prêté pour l’occasion et bien humblement ses talents de titreur 😉